En deux ans et quatre mois, de mars 2021 à juillet 2023, il avait enchaîné 73 CDD. Gaël Giordana, ex-présentateur de Franceinfo TV, la chaîne d’informations en continu de France Télévisions, occupait bien un emploi permanent dans l’entreprise, a estimé le conseil de prud’hommes de Paris après avoir été saisi en juillet 2023 par le journaliste. Dans son jugement, rendu le 25 janvier et révélé ce mercredi 27 mars par Télérama, la juridiction a requalifié le contrat de Gaël Giordana en CDI et a condamné France Télévision à plus de 80 000 euros de dommages et intérêts pour «harcèlement moral», «harcèlement sexuel» et «manquement à l’obligation de sécurité». Une décision rare qui participe à mettre en lumière les pratiques salariales de l’audiovisuel public. «Toutefois, le conseil déboute le journaliste de sa demande de réintégration à l’entreprise, et ne reconnaît pas l’existence d’une discrimination en raison de l’orientation sexuelle», précise malgré tout l’hebdomadaire.
«C’est inédit»
Gaël Giordana, 38 ans a appris que son CDD ne serait pas reconduit alors qu’il avait alerté sa hiérarchie sur les comportements «inappropriés» dont il faisait l’objet de la part de la cheffe d’orchestre de la matinale, salariée de France Télévisions depuis 12 ans. Elle «va révéler des conversations intimes à la régie, lui faire des remarques graveleuses sur sa sexualité, et des sous-entendus sur sa sexualité jusqu’à l’antenne. Elle va aussi avoir un comportement qui va gêner M. Giordana, multiplier les contacts physiques, se mettre en soutien-gorge dans le vestiaire devant lui, entrer dans les toilettes des hommes, et va surtout lui envoyer en permanence des messages ambigus», a énuméré l’avocat du journaliste pendant l’audience devant le conseil de prud’hommes, qui s’est tenue le 29 novembre, et à laquelle Télérama a assisté. Des accusations réfutées par l’avocat de France Télévisions, Me Marc Borten, qui a demandé à la juridiction de débouter le plaignant «purement et simplement» de «l’ensemble de ses demandes».
Tribune
France Télévisions a fait appel de la décision, «et ne fera aucun commentaire», a précisé la direction. L’avocat de Gaël Giordana, Me Florent Hennequin, a annoncé faire également appel, estimant que la réparation est «insuffisante». Certes, «le conseil des prud’hommes a reconnu la réalité de ce qu’a subi Gaël Giordana. C’est inédit à plusieurs titres : la reconnaissance du harcèlement sexuel n’est pas fréquente, qui plus est quand c’est un homme qui est victime d’une femme», a-t-il souligné. Mais selon lui, cette «condamnation pécuniaire» de l’employeur est «trop facile». «Ce que souhaite mon client, c’est sa réintégration et la poursuite de sa carrière au sein de France Télévisions dans des conditions normales. Ce n’est pas à lui de subir les conséquences du harcèlement qu’il a dénoncé.»