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IA : Axel Springer met les articles de ses journaux à disposition de ChatGPT

La start-up OpenAI va pouvoir entraîner ses outils d’intelligence artificielle à partir des articles du groupe allemand, propriétaire de «Bild», «Die Welt» ou «Business Insider», a annoncé le conglomérat mercredi 13 décembre, contre plusieurs dizaines de millions d’euros par an.
Si cet accord est autant scruté, c’est qu’il est le premier à être officialisé, un an après le lancement de ChatGPT. (Kirill Kudryavtsev/AFP)
publié le 14 décembre 2023 à 15h45

Il s’agit du premier partenariat du genre. Le groupe de médias allemand Axel Springer (qui édite notamment les journaux Bild ou Die Welt et les sites Politico ou Business Insider) a annoncé mercredi 13 décembre s’associer à la start-up américaine OpenAI, créatrice de l’intelligence artificielle générative ChatGPT. Au centre de cet accord inédit : l’utilisation des articles issus des différentes publications du groupe de presse par les outils d’OpenAI. Après avoir posé une question à ChatGPT par exemple, les utilisateurs pourront se voir proposer des résumés d’articles d’actualité de Bild ou Business Insider, incluant des liens qui renverront vers les sources originales (qui pourront être des articles payants) sur les médias concernés. Mais le deal inclut aussi, plus largement, l’entraînement des robots d’OpenAI à partir des contenus édités par ces sites d’information, pour améliorer leurs outils de génération de texte, d’images ou de code, et les rapprocher ainsi de réponses humaines.

Tendance générale à la méfiance

«Nous sommes très heureux d’avoir conclu ce partenariat global entre Axel Springer et OpenAI – le premier du genre, s’est félicité le PDG du groupe allemand Mathias Döpfner, dans un communiqué commun. Nous voulons explorer les possibilités de l’IA pour renforcer le journalisme, et ainsi amener sa qualité, son importance sociale et son modèle économique à un niveau supérieur.» Selon le Financial Times, cet accord inclut un premier contrat d’exploitation des archives d’Axel Springer. Mais aussi, et surtout, d’une licence annuelle pour exploiter les articles d’actualité des différents sites et journaux – le montant de ce contrat atteindrait «huit chiffres» selon une source du Financial Times, soit plusieurs dizaines de millions d’euros par an.

Si cet accord est autant scruté, c’est qu’il est le premier à être officialisé, un an après le lancement de ChatGPT, et avec la crainte pour les éditeurs de médias de voir les articles qu’ils produisent nourrir et disparaître dans les textes générés par les robots conversationnels. «La propriété intellectuelle des médias est menacée et nous devrions réclamer avec vigueur une compensation», avait ainsi déclaré fin mai le directeur de News Corp (The Wall Street Journal, The Times), Robert Thomson, devant l’International News Media Association. D’autant plus que la tendance générale ces dernières années est à la méfiance envers les plateformes numériques. Ou comme le résume un porte-parole d’Axel Springer auprès de l’AFP : avec Google ou Facebook, «les éditeurs de médias ont raté dans le passé l’occasion de se faire rémunérer pour la diffusion gratuite de leurs contenus et nous courons toujours après l’argent que ces plateformes nous doivent. Nous nous y prenons mieux maintenant». L’Union européenne a, par ailleurs, trouvé vendredi un accord sur une législation au niveau mondial pour réguler l’intelligence artificielle, après des négociations intenses entre les Etats membres et le Parlement européen.

Déterminer un modèle de rémunération

Dans ce contexte, OpenAI semble vouloir montrer patte blanche. Dans le communiqué, Brad Lightcap, directeur des opérations de la start-up, indique ainsi vouloir s’engager «à travailler avec des éditeurs et des créateurs à travers la planète pour s’assurer qu’ils bénéficient d’une technologie avancée d’intelligence artificielle, ainsi que de nouveaux modèles de revenus». D’autres partenariats du même genre sont à attendre selon le Financial Times, qui annonçait déjà cet été que des négociations étaient en cours entre des éditeurs tels que News Corp, le New York Times ou le Guardian et des plateformes produisant des outils d’intelligence artificielle générative (citant, outre OpenAI, Google, Microsoft ou Adobe). Ces accords participeraient à déterminer un modèle de rémunération pour les médias – le Financial Times avançait que les négociations cet été se situaient dans une fourchette entre 5 et 20 millions de dollars annuels (soit entre 4,5 et 18 millions d’euros par an).