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La rédaction de Marianne ne s’oppose pas au rachat de l’hebdomadaire par le milliardaire conservateur Pierre-Edouard Stérin

Lors d’un premier vote ce vendredi, les journalistes de l’hebdomadaire ont accepté à 60,3 % la poursuite des négociations avec le créateur de Smartbox. Un nouveau vote aura lieu quand les garanties d’indépendances éditoriales seront connues.
Le président français de CMI France Denis Olivennes a annoncé à la rédaction de Marianne le 22 avril 2024 que son propriétaire, le tchèque Daniel Krétinsky, avait l'intention de vendre l'hebdomadaire. (Joel Saget/AFP)
publié le 21 juin 2024 à 19h49

La rédaction de l’hebdomadaire Marianne n’a pas fermé la porte. Avec 60,3 % des voix, le «non» l’a emporté : la rédaction ne s’opposera au principe d’un rachat par Pierre-Edouard Stérin. La question était «la rédaction doit-elle s’opposer au rachat par Pierre-Edouard Stérin, quelles que soient les garanties d’indépendance obtenues ?». L’info est sortie dans La Lettre avant d’être confirmée par Le Monde et Arrêt sur image. «Ce score est un signal fort que ce n’est pas une minorité isolée qui ne veut pas de Stérin», explique l’un des journalistes dans le quotidien du soir. Arrêt sur image n’a pas la même lecture. Le site écrit que l’hebdomadaire prend le chemin d’être «la première pierre d’un second empire médiatique détenu par un milliardaire d’extrême droite».

Ce vote n’était pas gagné. Le 14 mai dernier, quand Denis Olivennes, bras droit de leur propriétaire Daniel Kretinsky (par ailleurs créancier de Libération) et de son groupe CMI annonçait sa volonté d’entrée en négociations exclusives avec le créateur de Smartbox, la rédaction s’était mobilisée. Et pour cause. Le milliardaire, ne cache pas ses ambitions d’investir dans les médias pour faire avancer ses idées de droite conservatrice et catholique. Les salariés du journal voulaient notamment conditionner le rachat à plusieurs mesures comme la mise en place d’une charte de déontologie pour s’assurer de l’absence d’intervention de l’actionnaire, un droit de vote sur la nomination de la direction de la rédaction (qui devrait être approuvée à 60 % des voix minimum), et l’obtention de la moitié des sièges du conseil d’administration pour les membres de la rédaction.

Le vote de ce vendredi est donc un accord de principe pour continuer les négociations mais les garanties d’indépendances «finalement proposées par Pierre-Edouard Sterin seront soumises à un nouveau vote», précise un communiqué de la Société des rédacteurs de Marianne.

Le milliardaire tchèque Daniel Kretinsky avait racheté Marianne en 2018. Selon la Lettre, plusieurs unes récentes de l’hebdomadaire dirigé par la journaliste Natacha Polony visant la politique du président de la République auraient en effet dérangé son propriétaire, notamment celle du 18 janvier titrée «Les cocus du gouvernement Attal», celle du 28 mars évoquant «La rumeur qui inquiète l’Elysée» (au sujet du fantasme qui voudrait que Brigitte Macron soit née homme) ou celle du 4 avril sur «Les tocards de l’économie», visant Macron, Gabriel Attal et Bruno Le Maire.

En 2022, entre les deux tours de la présidentielle, les journalistes de Marianne avaient accusé Daniel Kretinsky d’ingérence après la modification d’un titre de couverture qui mettait sur le même plan Emmanuel Macron et Marine Le Pen. Le président de CMI France, Denis Olivennes, avait annoncé officiellement le 22 avril à la rédaction de Marianne la volonté de cession de l’hebdomadaire. Pierre-Edouard Stérin était alors en concurrence avec un autre milliardaire conservateur, Vincent Bolloré (qui s’intéressait déjà à Marianne en 2005).

Créé en 1997 par les journalistes Jean-François Kahn et Maurice Szafran, l’hebdomadaire compte aujourd’hui 55 cartes de presse. Avec 129 000 exemplaires vendus en 2023, Marianne a vu sa diffusion baisser de 1,3 % par rapport à 2022 et a perdu l’année dernière 3 millions d’euros, pour 12 millions d’euros de chiffre d’affaires. A l’initiative de la direction de la rédaction, une nouvelle formule avait été lancée en mars, avec une pagination réduite de moitié et un prix passant de 4,40 euros à 3,50 euros. Ce lancement a été un succès, avec des ventes au numéro en forte augmentation, et des abonnements papier et numérique repartant à la hausse, d’après CMI France.