Un journal sans journalistes, ou presque. Depuis ce mardi 18 mars, en Italie, le quotidien Il Foglio est entièrement généré par l’intelligence artificielle. Une première mondiale qui doit durer un mois. Selon le directeur du titre, Claudio Cerasa, l’objectif de cette expérimentation est de «revitaliser le journalisme, pas le tuer». Chaque édition version IA, composée de quatre pages, inclut environ 22 articles allant de la politique à la finance ainsi que trois éditoriaux. «Notre volonté était d’afficher notre particularité et d’expérimenter quelque chose que personne au monde n’a expérimenté, en créant un débat, mais surtout en essayant de comprendre nous-mêmes comment l’intelligence artificielle peut être intégrée à l’intelligence naturelle», poursuit Claudio Cerasa.
«Laisser les erreurs pour montrer les limites»
Concrètement, la vingtaine de journalistes du quotidien demandent à une version du chatbot ChatGPT d’OpenAI de rédiger un article sur un sujet spécifique avec un ton particulier, et celui-ci produit un texte en utilisant des informations récoltées sur internet. «S’il y a trop d’erreurs, nous changeons d’article, s’il y en a peu, nous les laissons, car nous voulons montrer quelles sont les limites», précise encore le directeur. Parmi les articles signés IA cette semaine : une analyse des discours de la Première ministre Giorgia Meloni, un éditorial sur l’appel téléphonique entre Donald Trump et Vladimir Poutine, et un article sur la mode.
En quelques jours, le journal a déjà tiré quelques leçons. «L’intelligence artificielle dépasse toutes les attentes. Nous avons appris qu’elle peut faire des choses qui peuvent concurrencer ce que produit un être humain. Les journalistes devront commencer à s’habituer à ne jamais faire ce qu’une machine pourrait faire», explique Claudio Cerasa. Le journal a aussi réussi son coup de com’ puisque le premier jour de l’opération, les ventes étaient en hausse de 60 %.
Il Foglio est un quotidien au ton irrévérencieux avec un tirage d’environ 29 000 exemplaires. Il a été conçu en 1996 par Giuliano Ferrara, ex-star de la télévision, devenu conseiller de Silvio Berlusconi puis ministre dans son gouvernement. Le concept était alors simple : grand format, «emprunté» au Wall Street Journal, un ton froid à l’anglo-saxonne, beaucoup de commentaires et d’éditoriaux, tous non signés. Le tout sur seulement quatre pages, d’où son nom, Il Foglio, la feuille en italien. «Seul un journal comme le nôtre, qui est un peu un cas unique, peut se permettre de faire une telle expérience», conclut le directeur actuel Claudio Cerasa.