Julie Brafman, chroniqueuse judiciaire à Libération, a été primée pour une série de six articles réalisés au cours de l’année 2024-2025, comptes rendus de procès d’assises sensibles, traités avec le même souci des petits riens qui permettent de déceler l’humanité au cœur des plus grands drames. C’est cette plume à nulle autre pareille, délicate et précise, qui sait fouiller dans les recoins les plus sordides tout en laissant pénétrer la lumière que les jurés ont souhaité distinguer, eux qui l’avaient déjà, l’an dernier, placé dans leur short list.
«La chronique judiciaire a rarement été saluée par le prix Albert-Londres, a noté le jury du prix dans un communiqué. Mais la force de l’écriture de cette grande reporter des prétoires, la précision poétique de ses récits, la profondeur de son analyse, son empathie intelligente nous font pénétrer l’univers des procès. Ces derniers sont la quintessence de ce qu’on appelle «le fait divers», et le talent de Julie Brafman est à la hauteur des drames qui se jouent dans ces enceintes.»
Julie Brafman a intégré Libération en 2016 après avoir travaillé pour plusieurs magazines et aussi pour l’émission Faites entrer l’accusé en tant que enquêtrice et réalisatrice. Elle venait alors de publier Vertiges de l’aveu (Stock), une réflexion autour de la place prépondérante de l’aveu dans la justice pénale.
Au service Enquêtes depuis quatre ans, elle a pu se consacrer à de longs récits et à la chronique judiciaire. «La chronique judiciaire est l’espace du regard personnel, du grand récit, de l’aventure littéraire, dit-elle. Je ne crois pas à l’objectivité journalistique, mais à la fidélité et à l’honnêteté. A la sensibilité, l’empathie et la délicatesse.»
Ce sont les procès d’assises qui l’intéressent le plus, qu’ils soient dans l’actualité médiatique, à l’exemple des affaires Le Scouarnec et Kim Kardashian (lire ci-dessous) ou hors des radars. Elle les choisit alors parce qu’ils racontent un coin de la France, des bouts de vie, des basculements intimes.
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«La plupart du temps, la justice n’a rien de hors norme, note-t-elle. Elle est assez ordinaire, parfois belle, parfois moche. Parfois injuste, parfois lumineuse. Dans une cour d’assises, comme ailleurs, on s’ennuie. On rit. On tombe de sa chaise, on a le ventre qui se serre. On retient son souffle.» Ce n’est jamais le crime qui l’intéresse, mais la raison pour laquelle il a été commis. «C’est la capacité de la justice à tordre l’horreur. Celle des hommes à dépasser la violence. Il y a quelque chose de rassurant lorsque tout à coup, alors qu’on avance à tâtons dans le chaos, s’esquisse la possibilité d’une explication.»
D’autres journalistes ou collaborateurs…
D’autres journalistes ou collaborateurs de Libération étaient pressentis pour ce 87e prix Albert-Londres de la presse écrite, et il faut saluer aussi leur travail : Célian Macé, Iris Lambert, Matteo Maillard et notre correspondant à Beyrouth, Arthur Sarradin. Charlotte Belaïch et Olivier Pérou étaient pressentis, eux, pour le prix Albert-Londres du livre avec la Meute (Flammarion), plongée dans les rouages de La France insoumise (LFI).
A noter qu’un prix Albert-Londres d’honneur a été décerné aux journalistes gazaouis, représentés à la cérémonie de Beyrouth par Adel Zaanoun. Le conflit israélo-palestinien a en effet tué plus de journalistes que les deux guerres mondiales du XXe siècle, rappellent les jurés, d’où l’importance de saluer le travail essentiel de tous les reporters présents sur le terrain.
Applaudissons aussi le travail de Jules Giraudat et d’Arthur Bouvart qui ont reçu le prix Albert-Londres de l’audiovisuel pour leur film le Syndrome de La Havane (production BrotherFilms pour Canal +) et celui d’Elena Volochine qui a été primée pour son livre Propagande. L’arme de guerre de Vladimir Poutine (Autrement).
Les 6 articles qui ont valu à Julie Brafman de recevoir le célèbre prix Albert-Londres
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