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Libération
Passage en force

Le Sénat adopte la réforme de l’audiovisuel public grâce à l’article 44.3

Afin d’aboutir à un vote avant les congés parlementaires, ce vendredi 11 juillet, Rachida Dati a fait appel au petit frère méconnu du 49.3, qui permet de faire sauter tous les amendements.
Rachida Dati, à l'Assemblée nationale, le 7 juillet 2025. (Bastien Ohier/Hans Lucas. AFP)
publié le 11 juillet 2025 à 15h39

Fin de session chaotique au Sénat. Face à l’«obstruction» de la gauche sur sa réforme de l’audiovisuel public, la ministre de la Culture, Rachida Dati, a dégainé, ce vendredi 11 juillet au matin, l’arme constitutionnelle du «vote bloqué» pour en finir avec ce texte avant les congés parlementaires, qui démarrent théoriquement ce soir. Permettant, dans l’après-midi, aux sénateurs de se prononcer sur le texte, largement adopté, par 194 voix pour et 113 contre.

Une première victoire pour ce texte au parcours chaotique, porté à bout de bras par la ministre face à l’hostilité des syndicats. Cette réforme prévoit pour l’essentiel de créer le 1er janvier 2026 un holding, France Médias, qui chapeauterait France Télévisions, Radio France et l’INA (Institut national de l’audiovisuel), sous l’autorité d’un président-directeur général.

La gauche voulait jouer la montre

Alors que son adoption semblait assurée d’avance, dans un Sénat à majorité de droite, l’examen du texte n’a finalement avancé qu’à très faible allure jeudi. Suspensions de séance à répétition, rappels au règlement, motions de rejet préalable, invectives en pagaille… En plus de huit heures de débats, les sénateurs ont à peine démarré l’examen de l’article premier de la proposition de loi du sénateur Laurent Lafon. A la manœuvre : la gauche, bien décidée à jouer la montre, alors que la session extraordinaire doit théoriquement s’achever ce jour à minuit.

Vendredi matin, à la reprise, rien ne laissait présager que les discussions puissent s’accélérer. Un peu plus d’une demi-heure après le début des débats, Rachida Dati a annoncé que le gouvernement demandait au Sénat «de se prononcer par un vote unique sur l’ensemble du texte», «en application de l’article 44 alinéa 3 de la Constitution». Cette procédure, très rarement utilisée, permet d’accélérer les débats en n’organisant qu’un seul vote, sur le texte et les amendements que le gouvernement choisit de conserver.

«Après plus de sept heures de débat, nous n’avons pu débattre que de 31 amendements sur ce texte. On a vu encore ce matin […] de l’obstruction, toujours de l’obstruction et encore de l’obstruction», a-t-elle justifié. Il restait alors environ 300 amendements à débattre. Les débats, suspendus vers 10 h 15, ont repris près de deux heures plus tard, et le président de séance Didier Mandelli (LR) a pris acte de la demande du gouvernement.

«Coup de force»

Les orateurs de la gauche ont successivement protesté contre ce «coup de force», selon le mot de l’ancienne ministre socialiste Laurence Rossignol. «On parle de liberté de la presse. Mais commençons déjà par respecter les droits du Parlement», a-t-elle tonné, rappelant que le Sénat avait d’autres outils à sa disposition pour discipliner les discussions.

«C’est vous qui êtes responsables du fait que le débat ne peut pas avoir lieu. Ce n’est pas nous», leur a rétorqué le rapporteur du texte, Cédric Vial (LR). Le président de la commission de la culture, Laurent Lafon (UDI), a lui aussi défendu la décision du gouvernement, pointant une obstruction «caractérisée» destinée à «empêcher que le Sénat confirme son soutien» au texte. Selon des sources parlementaires, la décision de déclencher le «vote bloqué» était sur la table depuis jeudi.

Mais, alors que le président du Sénat et le ministre des Relations avec le Parlement étaient enclins à laisser le débat se dérouler, «c’est bien Rachida Dati», en première ligne face à la gauche, qui «à un moment donné […] a tranché pour tout le monde», selon un poids lourd.

Par ailleurs, les débats ont déjà été «escamotés» en première lecture à l’Assemblée le 30 juin, après le vote surprise d’une motion de rejet déposée par les écologistes, face aux bancs désertés de la coalition gouvernementale. Grâce à son adoption au Sénat, il va donc revenir à l’automne à l’Assemblée, à une date indéterminée.