Un premier rappel préventif avant l’amende ? L’Arcom, l’autorité de régulation de l’audiovisuel, a publié ce mercredi 31 juillet une décision inédite, la première appliquant sa nouvelle appréciation du pluralisme à la télévision et la radio, en vigueur depuis une délibération dévoilée le 18 juillet. Cette dernière a mis en place la notion de «déséquilibre manifeste et durable» des opinions ou des points de vue exprimés sur une chaîne.
De nombreux sujets «traités de manière univoque»
Et elle concerne, évidemment, CNews : la chaîne de Vincent Bolloré a été mise en garde pour son manque de pluralisme durant le mois de mai 2021. La décision indique ainsi qu’«au terme de son analyse, l’Arcom a considéré, qu’en dépit notamment de la variété des thématiques abordées et de la diversité des intervenants, de nombreux sujets, tels que les violences commises contre les forces de l’ordre, le fonctionnement de la justice ou les effets de l’immigration sur le fonctionnement de notre société, apparaissaient traités de manière univoque, les points de vue divergents demeurant très ponctuels».
Dans la réponse graduée de l’Arcom, la mise en garde est la deuxième étape, avant une mise en demeure, puis une sanction qui peut prendre différentes formes. Le plus souvent, elle est pécuniaire – CNews connaît le système pour s’être acquitté de plus de 300 000 euros d’amendes ces dernières années – mais il peut aussi s’agir d’une suspension temporaire de la chaîne. Voire, d’une «réduction de la durée de l’autorisation ou de la convention [de la chaîne, ndlr] dans la limite d’une année». Une sanction pas anodine alors que la chaîne est actuellement en plein processus de renouvellement de sa fréquence TNT : l’Arcom a sélectionné sa candidature le 24 juillet (contrairement à sa chaîne-sœur C8), mais son cahier des charges devrait être âprement négocié avec la possibilité que les plages de débats soient réduites à l’antenne.
Mieux juger le respect du pluralisme
Si la décision dévoilée par l’Arcom ce mercredi juge des faits diffusés en mai 2021, c’est parce qu’elle découle d’un bras de fer au long cours entre l’autorité et Reporters sans frontières (RSF). L’ONG avait ainsi saisi l’Arcom en novembre 2021 afin qu’elle mette en demeure CNews pour manquement à ses obligations de pluralisme et d’indépendance de l’information. L’Arcom jugeait alors le pluralisme à l’aune du respect des temps de parole politiques des différents partis. RSF avait effectué un recours auprès du Conseil d’Etat, qui avait débouché en février 2024 par une décision inédite et très discutée : l’évolution de l’interprétation de l’obligation du respect du pluralisme, pour ne plus se limiter aux simples temps de parole politiques, mais en prenant en compte le respect de tous les points de vue et opinions exprimés sur une antenne.
Vaste chantier pour l’Arcom, qui s’est refusée à tout catalogage des journalistes et invités des différentes chaînes. Après six mois de travail, le régulateur a rendu sa délibération le 18 juillet, introduisant donc cette nouvelle notion de «déséquilibre manifeste et durable» des opinions et des points de vue pour mieux juger le respect du pluralisme à la télé et à la radio. Concrètement, l’Arcom a donc observé pendant un mois (celui de mai 2021), la diversité des intervenants présents sur CNews, la diversité des thématiques et des points de vue qui sont exprimés. Et a donc finalement jugé d’un déséquilibre sur cette chaîne à ce moment-là.
«Tout ça pour ça ?», a réagi RSF à cette décision prise lundi et rendue publique mercredi, en déplorant que l’Arcom ait prononcé «une des sanctions les plus faibles possibles». L’ONG juge que cette mise en garde permet à l’Arcom «d’être en conformité avec la décision du Conseil d’Etat (...) mais laisse craindre que les mêmes causes (un régulateur timide) produisent les mêmes effets (la tricherie répétée d’un éditeur)».
Mise à jour 31/07 à 16h30 : erratum, la chaîne CNews a été mise en garde et non mise en demeure par l’Arcom.