Deux patrons de presse en garde à vue. Jean-Nicolas et Jean-Benoît Baylet, respectivement directeur général du groupe la Dépêche du Midi et directeur de Midi libre ont été auditionnés les 11 et 12 juin, selon des informations de Médiacités et de Blast, confirmées auprès de Libération par le parquet de Toulouse. Les deux dirigeants ont été entendus par la DCOS (division de la criminalité organisée et spécialisée) «en tant que personnes morales du groupe la Dépêche» dans le cadre d’une enquête concernant un éventuel «marchandage de main‑d’œuvre».
Une instruction qui devrait «prochainement aboutir sur une prise de position du service de lutte contre la criminalité financière du parquet de Toulouse, qui a suivi toutes les opérations dans ce dossier», afin de déterminer si les poursuites devront continuer ou non, explique le ministère public.
La direction dénonce une enquête «à charge»
Dans un communiqué de presse relayé par Médiacités, les frères Baylet affirment que «cette enquête, engagée depuis près de trois ans, se distingue par son caractère à charge, son absence totale de dialogue contradictoire et des méthodes que nous jugeons attentatoires à la liberté de la presse». «Nous dénonçons avec force cette stratégie de pression judiciaire, qui s’apparente à une volonté manifeste d’intimider notre rédaction et de fragiliser l’indépendance de notre média. Nous dénonçons cet acharnement disproportionné dont l’objectif semble moins relever de la manifestation de la vérité que d’une tentative d’intimidation», poursuivent-ils.
L’enquête avait débuté lors d’un contrôle en 2022 de ce groupe de presse, possédé par le patriarche familial et ancien ministre Jean-Michel Baylet, à l’initiative de l’inspection du travail d’Occitanie. Une perquisition avait ensuite été réalisée dans les locaux du journal en octobre 2024. Les deux dirigeants estiment que cette perquisition «surprise» avait pour but «de pénétrer nos systèmes de communication, malgré notre statut de média protégé par le secret des sources, et constitue une dérive grave et inquiétante. Nous avons donc, en toute responsabilité, refusé cet accès», ont-ils écrit.
Les contrats de La Dépêche News pointés du doigt
Au cœur de l’affaire, la filiale La Dépêche News. Cette agence de presse, créée en 2002 et présidée par Jean-Benoît Baylet, est accusée de permettre au groupe d’embaucher des journalistes avec un statut low-cost et de contourner la convention collective de la profession. Selon Médiacités, elle avait pour objectif au départ de créer du contenu pour TF1, la chaîne locale Via Occitanie et le site internet de la Dépêche. Mais depuis 2017, une cinquantaine de journalistes du titre de presse seraient employés par un contrat La Dépêche News afin de réaliser le même travail que leurs collègues.
Le 29 janvier dernier, la Cour de cassation avait rejeté le pourvoi de la direction du groupe de presse en reconnaissant définitivement la situation de co-emploi et le travail dissimulé imposé à une ancienne journaliste qui était employé à travers cette agence de presse. Elle touchait un salaire inférieur de 30 % à celui de ses collègues et ne bénéficiait pas des RTT. La Dépêche avait été condamné à lui verser 100 000 euros. Malgré cette condamnation, le syndicat de journalistes SNJ accuse la direction de continuer de passer par La Dépêche News lors de l’embauche de nouveaux journalistes.