Si le débat public français a rarement semblé aussi vicié qu’en cet automne, les médias Bolloré n’y sont pas pour rien. Peu étonnant alors d’observer un regain de forme dans les audiences d’Europe 1 ou de CNews depuis la rentrée. La radio du groupe Lagardère, officiellement dans le giron de Vivendi depuis le mois dernier mais «bollorisée» dès l’été 2021, a vu ses chiffres remonter lors de la dernière mesure d’audience Médiamétrie, concernant la période septembre-octobre. Il faut dire que la chute libre d’Europe 1 durait depuis plus de dix ans : elle a été enrayée par le gain de 81 000 auditeurs par rapport à l’année précédente, pour 2,1 millions de fidèles quotidiens au total, ou 3,8% en audience cumulée (soit le pourcentage de la population ayant écouté au moins une fois la station dans la journée).

Grâce, notamment, au recrutement à prix d’or de Pascal Praud, débauché du côté de RTL. L’animateur a fait gagner 84 000 auditeurs sur sa tranche, avec son émission Pascal Praud et Vous entre 11 heures et 13 heures. La matinale de Dimitri Pavlenko, où sévit notamment Gaspard Proust, s’est aussi relancée après deux ans à explorer les tréfonds des tableurs Médiamétrie. Elle a ramené 82 000 auditeurs supplémentaires sur un an, pour 1,1 million de fidèles au total. A relativiser : Europe 1 reste la lanterne rouge des stations généralistes, neuvième radio la plus écoutée de France. Mais l’application de la méthode CNews va-t-elle continuer de porter ses fruits pour une radio financièrement déficitaire depuis plusieurs années ?

Fin octobre, le régulateur des médias, l’Arcom, avait donné son agrément au regroupement dans une société en commandite des radios de Lagardère (Europe 1, RFM et Europe 2). Une manœuvre destinée à placer Arnaud Lagardère comme patron indélogeable de ses antennes, même si on peut douter de son étanchéité aux «conseils» de Vincent Bolloré en termes de programmation. Surtout, la convention signée avec l’Arcom oblige Europe 1 à «consacrer au moins deux heures par jour aux journaux d’information», avec «une rédaction et une direction de l’information propres à l’antenne» et à limiter le nombre d’heures d’émissions codiffusées à deux heures et quinze minutes par jour. Un moyen de prévenir l’assimilation complète d’Europe 1 par CNews, alors que la chaîne d’opinion de Canal+ a récemment emménagé un étage en dessous d’Europe 1, dans le XVe arrondissement de Paris.

Un étage où l’on célébrait, ces derniers jours, des audiences historiques. Pour la première fois, CNews a pris la tête des chaînes d’information sur une semaine complète, du 4 au 10 décembre. La chaîne a réalisé 2,7% de part d’audience hebdomadaire, devant BFM, à 2,5%. Elle est notamment tirée par les bons scores matinaux de l’Heure des pros animée par Pascal Praud, qui classe CNews comme deuxième chaîne nationale à cet horaire. Six ans après le remodelage de la ligne éditoriale de l’ex-iTélé, à la suite d’une grève historique contre la mainmise de Vincent Bolloré et le départ de plusieurs dizaines de salariés, la chaîne de débats d’extrême droite semble convertir de plus en plus un public friand de sa ligne éditoriale outrancière et clivante. Un basculement encore plus significatif du paysage des chaînes d’info pourrait être observé à la fin du mois, si CNews passe devant BFM au niveau de son audience mensuelle.