Dilemme : la saison de Touche pas à mon poste touchait à sa fin jeudi 13 juin, en plein milieu d’une intense agitation politique avec la tenue d’élections législatives anticipées. Vincent Bolloré, ne pouvant se priver d’un de ses plus efficaces nervis médiatiques, a rapidement trouvé la solution : dégager deux heures d’antenne radio quotidiennes pendant deux semaines, le temps de la campagne, pour les filer à Cyril Hanouna. C’est donc sur Europe 1 qu’atterrissait l’animateur de TPMP ce lundi, huit ans après avoir quitté la station («un truc un peu trop de ieuv pour moi», tweetait-il à l’époque) pour pousser, plus ou moins subtilement, à l’union des partis de droite et d’extrême droite autour du Rassemblement national. Pour la première, pas besoin de faire dans la finesse : invitons donc l’ancien collègue Eric Zemmour. On reste entre copains.
Les footballeurs et les «extrêmes»
15 h 59. Sophie Davant, dégagée de la grille par cette arrivée surprise d’Hanouna, a tout de même le droit de dire au revoir à ses auditeurs habituels, donnant rendez-vous à la rentrée, avant de passer le micro de présentateur à Hanouna et son polo Prada. Dans un format de TPMP light ou de simili-Heure des pros, On marche sur la tête semble vouloir, comme les émissions de C8 et CNews, déterminer un espace politique respectable qui irait de Manuel Valls à Eric Zemmour. Autour de la table, des fidèles : Valérie Benaïm, Géraldine Maillet, Raymond Aabou, Eric Naulleau ou Gauthier Le Bret, qui fait le pont entre l’animateur de C8 et Pascal Praud. Ce dernier est d’ailleurs venu honorer l’émission de sa présence. Quinze minutes d’antenne pour débattre des prises de position des joueurs de l’équipe de France ces derniers jours, entre l’appel au barrage contre le Rassemblement national de Marcus Thuram et la lutte contre «les extrêmes» de Kylian Mbappé. «J’ai eu plusieurs auditeurs dans mon émission ce matin, il n’y en a pas un d’accord avec Mbappé», raconte Praud, qui monopolise la parole. Ça agace un peu Hanouna, dépossédé de sa nouvelle émission : «Vous avez fait combien d’heures d’antenne aujourd’hui Pascal ? J’ai l’impression que ça vous avait déjà manqué.»
Toutes les opinions vont dans le même sens : celui de l’extrême droite, entre Géraldine Maillet qui souligne que l’influenceur Tibo InShape a été «le seul à dire juste “allez voter”», ou le chroniqueur Raymond qui s’en prend à Marcus Thuram : «Si t’es contre l’extrême droite, ne joue pas dans un pays où tous les week-ends il y a des cris de singes !» Il parle de l’Italie. Un auditeur au standard ? Ah, c’est Robert Ménard. «Qu’ils commencent déjà par gagner leurs matches», fustige le maire de Béziers. Merci Robert. Finalement, Pascal Praud trouve une solution pour faire le jeu du Rassemblement national (RN) sans désavouer totalement Kylian Mbappé, se faisant au passage porte-parole du peuple : «Les Français ont le sentiment, qui est sans doute vrai, que LFI est un parti extrémiste, et que le RN n’est pas un parti d’extrême droite.» Soit exactement l’argumentaire du candidat RN Julien Odoul ce lundi matin sur LCI.
Sujets anti-gauche
Pascal Praud sort du plateau, Manuel Valls s’assoit à sa place, soit l’exact casting de nos pires cauchemars. «Manuel Valls, c’est l’un de mes Premiers ministres préférés ! s’enthousiasme Cyril Hanouna. On va débriefer sur François Hollande.» L’ancien président de la République et ancien n + 1 de Manuel Valls a décidé de se présenter en Corrèze sous la bannière Nouveau Front populaire, il devient donc une cible à abattre. La tablée reprend les arguments de diabolisation entendus en boucle depuis soixante-douze heures : et c’est une coalition dans laquelle se trouve aussi Raphaël Arnault, un «antifa lyonnais qui est très violent» dixit Gauthier Le Bret, et voilà que Philippe Poutou, subitement devenu l’Antéchrist du paysage politique français, est investi dans la circonscription de Trèbes dans l’Aude, là où est mort le colonel Arnaud Beltrame. «Le problème de Philippe Poutou, c’est qu’il leur fait des poutous aux terroristes !» blague Cyril Hanouna.
Nouvel invité : Matthieu Valet, un habitué de CNews, ancien syndicaliste policier devenu eurodéputé RN depuis une semaine. L’occasion de discuter d’une pancarte aperçue à la manifestation contre l’extrême droite samedi : «Un flic tué = un électeur RN en moins.» Ah, sauf qu’il y a une info qui vient de tomber : «La petite amie de Louis Boyard a été investie à Rennes», s’amuse Hanouna. Et la loi anti-squat sur laquelle veut revenir le Nouveau Front populaire ? Entre tous ces sujets anti-gauche, on s’y perd.
Zemmour et la «vérité»
L’interview d’Eric Zemmour en fin d’émission expédiera rapidement les dissensions avec Marion Maréchal, partie négocier un accord avec le RN. On ne parle pas des choses qui fâchent. Parlons plutôt de ce qui rassemble : les visions de Zemmour, qui affirme avoir prédit ce moment politique d’union des droites dans ses éditos il y a vingt-cinq ans. «Je dis ça, et la vérité finit par arriver.» Alléluia. Même si cette alliance se fait sans lui et sans une bonne partie des Républicains. Round de questions d’Hanouna. On y apprend quand même que, si jamais Jordan Bardella devient Premier ministre et propose un poste au gouvernement à Eric Zemmour, il acceptera. (Ça n’est pas près d’arriver). «Pourrez-vous pardonner à Marion Maréchal ?» «Non», répond sèchement le président de Reconquête. On passe à autre chose.
L’émission s’achève, et l’on repense à la décision du Conseil d’Etat en février, appelant l’Arcom à mieux contrôler le pluralisme sur les antennes télé et radio. Le gendarme de l’audiovisuel s’était donné six mois pour trouver un moyen d’appliquer cette décision. L’idée, selon le président de l’autorité Roch-Olivier Maistre, semble de ne pas cataloguer les intervenants, mais d’examiner ce qu’il se dit sur les plateaux. L’échéance arrive bientôt à terme. Avec ses opinions qui vont toutes dans le même sens, son «antigauchisme» assumé et ses invités qui disent presque tous la même chose, On marche sur la tête a tout de l’émission bientôt obsolète. Et si, au-delà de l’urgence électorale, c’était aussi cela que l’empire Bolloré avait en tête ?