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Prix élevés, valeur marchande de la L1 en baisse, nouvelles habitudes de consommation : DAZN peine encore à séduire

Sous le feu des critiques pour ses tarifs élevés depuis le début de la saison, DAZN fait le choix de réduire ses prix pour récupérer des abonnés. Un défi pour la plateforme de streaming britannique qui tente d’éviter le couac économique, tout en attirant les fans.
Après avoir acheté les droits de huit matchs par journée de championnat pour 400 millions d’euros, le nouveau diffuseur de la Ligue avait annoncé l’objectif de 1 million et demi d’abonnés d’ici deux ans. (Harry Langer/DPA. AFP)
publié le 23 septembre 2024 à 17h37

DAZN joue les prolongations. Vivement critiquée pour le prix de son abonnement à la Ligue 1, la plateforme de streaming britannique prolonge d’une semaine sa promotion. Initialement prévue jusqu’au 22 septembre, la baisse ramenait le tarif annuel à 19,99 euros, contre 29,99 euros initialement. L’abonnement mensuel de 39,99 euros est aussi ramené à 19,99 euros les deux premiers mois, (puis 39,99 euros les mois suivants). «Les retours de la part des fans de Ligue 1, des clubs, de tout le marché sont très bons. Donc, on a décidé de continuer une semaine», se réjouit Brice Daumin, le PDG de la filière française. Une bonne nouvelle pour les fans de foot, certes, mais surtout une nécessité pour DAZN qui peine à ramener des abonnés pour sa première année de diffusion de la Ligue. «L’idée de la promotion était bienvenue, estime Virgile Caillet, délégué général de l’Union Sport & Cycle. Ils n’avaient pas trop le choix suite à la polémique» sur les prix et les appels au boycott.

Malgré tout, «ils sont loin d’avoir atteint l’objectif de cette promotion, manifestement, ajoute Virgile Caillet. Ils doivent attirer un minimum d’abonnés s’ils ne veulent pas que leur modèle économique s’effondre.» Après avoir acheté les droits de huit matchs par journée de championnat pour 400 millions d’euros, le nouveau diffuseur de la Ligue avait annoncé l’objectif de 1 million et demi d’abonnés d’ici deux ans. Sans quoi, il pourra se retirer grâce à une clause de sortie, négociée avec la Ligue de football professionnelle, quitte à provoquer une nouvelle affaire Mediapro.

«Injonctions contradictoires»

«Il y a des injonctions contradictoires, analyse l’économiste du sport au Centre de droit et d’économie du sport Christophe Lepetit. Les fans demandent des contenus accessibles sur des plateformes gratuites, donc des montants de droits télé bien moindres et moins de revenus pour les clubs.» Conséquence : les stars iront chercher des meilleures conditions ailleurs, ce qui baisserait encore plus la valeur de la Ligue 1. Mais le prix coince justement parce que «le produit n’est pas forcément le plus attractif» pour Virgile Caillet, après le départ de plusieurs stars planétaires ces dernières années comme Neymar, Lionel Messi, jusqu’à Kylian Mbappé vers le Real Madrid cet été.

Au-delà de cet abonnement qui peine à séduire, la valse des appels d’offres épuise aussi les fans. «Les gens en ont ras-le-bol des droits qui passent d’un diffuseur à un autre», lance Christophe Lepetit. Si DAZN diffuse la grande majorité des matchs de Ligue 1, une rencontre par journée de championnat est diffusée sur BeIN Sports en direct. En trois ans, le championnat français a été accessible à travers cinq abonnements différents : BeIN, Canal +, Free, Amazon Prime et la chaîne Telefoot de Mediapro. Et depuis plusieurs années, les fans doivent avoir au moins deux abonnements s’ils veulent accéder à la totalité des rencontres. Une accumulation que la plateforme subit. «D’autant que ce DAZN-bashing est aussi entretenu par des concurrents et une partie de la sphère médiatique», ajoute l’économiste.

Pour le chercheur, le problème ne se limite donc pas qu’au prix. «Une fois qu’on admet que l’accès à la Ligue 1 est payant, le sujet est aussi la manière dont l’abonnement payant est géré», estime Christophe Lepetit. Alors que les plateformes de musique et de film comme Spotify et Netflix ont bouleversé la manière de consommer du contenu, les diffuseurs de sport n’ont pas encore pris ce virage. «Le consommateur veut être beaucoup plus flexible et créer lui-même son catalogue, estime Christophe Lepetit. Les fans payent pour voir leur équipe jouer, pas pour regarder huit ou neuf matchs». Ces dernières années, le principe du pay-per-view (littéralement traduit «payer pour regarder») est arrivé dans certaines compétitions, notamment en MMA. Une solution à la demande qu’avait aussi proposée le patron de Canal + après le désastre Mediapro, pour terminer la saison, et qui permet d’avoir une diffusion à la carte, selon les envies du spectateur. Un fonctionnement que proposent justement certaines plateformes de sport comme DAZN, pour des événements ponctuels. Si le projet n’est pas prévu pour le moment, la diffusion du sport pourrait être amenée à évoluer dans les prochaines années.