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Menaces

Quotas carbone : les projets de «vendetta» d’Arnaud Mimran contre les juges et un journaliste de «Mediapart»

Des écoutes de la brigade criminelle ont révélé les menaces proférées par Arnaud Mimran à l’encontre de plusieurs juges mais aussi du journaliste de «Mediapart» Fabrice Arfi, auteur d’un livre et d’articles sur l’escroquerie de la taxe au CO2.
Arnaud Mimran, le 7 juillet 2016 au palais de justice de Paris. (Bertrand Guay/AFP)
publié le 28 septembre 2023 à 13h47

«Lui, il faut vraiment qu’il lui arrive du mal.» «Lui», c’est le journaliste de Mediapart Fabrice Arfi. Le sombre dessein est quant à lui formulé par Arnaud Mimran, l’une des têtes pensantes de l’escroquerie à la taxe au CO2, un vaste détournement de fonds publics sur la TVA appliquée au marché européen des quotas de carbone. Accusé de plusieurs meurtres et derrière les barreaux depuis 2015, l’homme de 51 ans a fomenté depuis sa cellule divers scénarios de vengeance contre ses ennemis. C’est ce qu’ont révélé des écoutes judiciaires menées en 2019 et 2020 après la sonorisation de sa cellule et des parloirs au centre pénitentiaire du Havre, que Mediapart raconte jeudi 28 septembre.

Dans son viseur, les juges Benoist Hurel et Guillaume Daieff. Une écoute du mois de décembre 2019 révèle ainsi que le parrain du CO2 possède l’adresse personnelle de l’un des deux magistrats, deux hommes qu’il souhaite «garder au fond d’une cave».

Autre cible de Mimran, le journaliste et responsable de l’investigation Fabrice Arfi, auteur d’un livre sur l’escroquerie à la taxe au CO2 intitulé D’argent et de sang (Seuil) et de nombreux articles sur l’affaire. «Lui, il faut vraiment qu’il lui arrive du mal», lance ainsi Arnaud Mimran en juin 2019 au sujet de l’enquêteur. Il en remet une couche quelques jours plus tard. «Tous ces journalistes, je les déteste plus que les magistrats, parce que tu me dirais : “Certains, ils sont morts”, ça ne me ferait pas de peine. […] Fabrice Arfi, par exemple, c’est le pire des sales mecs de la terre […]. Mais bon, lui il est tombé sur la mauvaise personne avec moi», jure Mimran.

Avant d’ajouter : «Tu vois la différence entre les gens. Sarko, il le hait, il écrit rien. Moi, je le hais, mais moi je vais lui faire quelque chose. Ah ça, c’est sûr, je vais lui faire quelque chose. Il va se retrouver dans une chambre d’hôtel avec une fille, qui va porter plainte pour viol et il y aura de la cocaïne sur la table. […] Y a un truc pourri, je fais exploser son couple, il se retrouve en garde à vue, la totale ! […] A la seconde où ça arrive, les policiers sont pas encore entrés dans la pièce, je suis déjà en train de diffuser l’information», imagine ainsi Mimran.

«Cible du grand banditisme»

Dans un procès-verbal qu’a pu consulter Mediapart, les enquêteurs de la brigade criminelle relèvent que le détenu a fait des recherches sur Internet sur Fabrice Arfi. Interrogé en novembre 2021 par les enquêteurs autour des menaces visant le journaliste, Arnaud Mimran a préféré garder le silence. Avant de déclarer en février dernier que «tout est faux» et qu’il espérait uniquement «faire rire» sa compagne.

«C’est la première fois que Mediapart est ainsi la cible de milieux du grand banditisme. Or le dernier rapport de Reporters sans frontières sur les violences contre les journalistes souligne que, sur les deux dernières décennies, il y a plus de journalistes tués en “zones de paix” qu’en “zones de guerre”, majoritairement du fait de leurs enquêtes sur le crime organisé et la corruption», écrit de son côté le journaliste Edwy Plenel, directeur de la rédaction de Mediapart. «Notre inquiétude est d’autant plus vive que nous avons appris fortuitement les risques encourus par Fabrice Arfi sans en avoir été alertés formellement par des autorités judiciaires ou policières. Et elle est accrue par le fait que ce silence s’ajoute à d’autres manifestations d’indifférence peu rassurantes», ajoute-t-il tout en précisant que l’avocat du journal avait été missionné pour signaler ces faits au procureur de Paris.