Une bataille de gagnée pour Xavier Niel, mais la guerre du rachat de la Provence est encore loin d’être terminée. Ce jeudi, la cour d’appel d’Aix-en-Provence a rendu son verdict : le droit de veto de Niel, actionnaire minoritaire du journal, sur les repreneurs potentiels des 89% du holding Groupe Bernard Tapie (GBT) en liquidation judiciaire, est rétabli. Début janvier, le droit d’agrément issu d’un pacte d’actionnaires négocié entre Niel et Bernard Tapie avait en effet été suspendu par le tribunal de commerce de Marseille. Ce droit impose que le conseil d’administration de la Provence valide à l’unanimité tout nouvel entrant au capital. Mais, selon le jugement du tribunal de commerce de Marseille, cette disposition constituait un «trouble manifestement illicite» dans le processus de liquidation judiciaire du groupe (qui compte aussi Corse Matin). Ainsi, elle ne permettait pas de mettre sur un plan d’égalité les repreneurs potentiels, à savoir aujourd’hui Xavier Niel et sa holding NJJ (via sa filiale l’Avenir Développement), et l’armateur marseillais CMA-CGM, dont le patron est le milliardaire Rodolphe Saadé. Dans son appel, Niel arguait que ce droit de veto figurait pourtant bien dans les statuts de la Provence et qu’il était même prévu dans la loi de 1986 sur la liberté de communication.
Conflit d’intérêts
Dans son jugement ce jeudi, la cour d’appel d’Aix-en-Provence infirme donc le «trouble manifestement illicite» invoqué par les liquidateurs judiciaires et retenu par le tribunal de commerce de Marseille. «En l’état ce trouble est hypothétique», juge la cour d’appel, qui estime que la suspension de la clause d’agrément «porte atteinte à un droit de vote prévu par la loi et les statuts de la société». Et d’annuler donc cette suspension, tout en précisant que «les parties conservent la possibilité de contester en justice l’application qui pourra être faite des dispositions statutaires contestées dans le cadre du présent litige». Ce jugement semble donc refermer une parenthèse, celle de la contestation du droit d’agrément. Mais il ouvre aussi d’autres perspectives, pointant l’existence «de manière incontestable» d’un conflit d’intérêts dans cette affaire, côté Niel. Sa société l’Avenir Développement est en effet «à la fois actionnaire minoritaire représenté au conseil d’administration de la société la Provence, et candidate à la reprise des actifs de la société GBT», indique la cour d’appel.
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Le prochain épisode aura lieu le 12 avril, à l’occasion d’une réunion du conseil d’administration de la Provence. Il étudiera l’offre retenue pour la reprise du groupe marseillais : celle de Rodolphe Saadé, financièrement mieux-disante, le principal critère du liquidateur judiciaire. L’armateur avait déposé en février une offre de rachat à hauteur de 81 millions d’euros, quatre fois supérieure à celle de Xavier Niel. Par la suite, ce projet de reprise a reçu un avis favorable des six CSE représentant les 850 salariés du groupe la Provence. Mais l’offre ne devrait vraisemblablement pas recueillir pareille unanimité devant le conseil d’administration, Xavier Niel disposant de deux des cinq sièges. Le fils de Bernard Tapie, Stéphane, également administrateur, avait par ailleurs annoncé dès janvier dans la Marseillaise soutenir Xavier Niel dans son projet de reprise.
«Détermination intacte»
Du côté des salariés, qui espéraient à l’origine une procédure rapide après des années de glaciation sous l’ère Tapie, le jugement du jour n’est «qu’un détail dans le combat pour le maintien des emplois, la consolidation du groupe, et sa pérennité. Notre détermination est intacte», affirme Me Catherine Szwarc, avocate de trois des six CSE de la Provence. «Optimiste» quant au respect de l’avis des salariés, elle rappelle que le conseil d’administration est censé voter «dans l’intérêt de l’entreprise», et non des intérêts personnels. Et qu’«en fonction de la décision du conseil d’administration, nous exercerons nos recours». De la même manière, le Monde indique que le liquidateur judiciaire envisagerait d’engager une procédure contre les administrateurs qui voteraient contre l’offre la mieux-disante au motif qu’ils iraient «contre l’intérêt légitime de l’actionnaire, du corps social de l’entreprise et de l’Etat, débiteur du groupe GBT». De quoi rajouter de nouveaux épisodes au feuilleton.