Les salariés de Marianne ont gagné une bataille, mais pas la guerre. Ce vendredi 28 juin, la rédaction a annoncé suspendre sa grève après que le groupe CMI France, détenteur de Marianne, et Pierre-Édouard Stérin, ont décidé «d’un commun accord» de «suspendre leurs discussions» pour l’acquisition de l’hebdomadaire par le milliardaire proche de l’extrême droite. Dans un communiqué, la rédaction prend donc «acte de la suspension des négociations entre Pierre-Edouard Stérin et CMI», le groupe du magnat tchèque Daniel Kretinsky (par ailleurs prêteur de Libération).
«Cette évolution justifie la reprise du travail afin de permettre le suivi de l’actualité politique dans les jours à venir», expliquent les salariés de l’hebdomadaire qui maintiennent néanmoins la pression. «La rédaction reste déterminée à obtenir l’engagement ferme que le journal ne sera pas racheté par Pierre-Edouard Stérin», ajoutent-ils. «Nous nous tenons prêts à reprendre la grève, dans l’hypothèse où Daniel Kretinsky et son mandataire Denis Olivennes ne prendraient pas une position publique en ce sens dans les prochains jours», préviennent les membres de la rédaction. Selon eux, la proximité de Pierre-Édouard Stérin avec le Rassemblement national, notamment durant ces élections législatives anticipées, ne garantissait plus une indépendance suffisante de la rédaction.
Enquête
Jeudi, la rédaction de Marianne avait voté massivement pour une grève reconductible de 24 heures après s’être opposée au rachat de l’hebdomadaire par le milliardaire français, au lendemain d’un article du Monde affirmant qu’il avait des accointances politiques avec le RN.
Libération avait déjà raconté en mars dernier son appartenance aux Horaces, ce club d’influence qui travaille depuis des années à la victoire du RN. «Ce qui apparaissait comme un engagement idéologique individuel se révèle être une entreprise partisane», avait estimé dans un communiqué la Société des rédacteurs de Marianne (SRM).
Une autre offre de reprise
La rédaction de Marianne a réclamé à son actionnaire actuel de «se mettre en quête de nouveaux acquéreurs en mesure d’assurer l’indépendance éditoriale de Marianne et la pérennité économique du titre». La rédaction a ainsi fait volte-face par rapport à un premier vote. Le 21 juin, elle avait décidé à 60,3 % de ne pas s’opposer au rachat du titre par Pierre-Édouard Stérin, en négociations exclusives depuis mi-mai avec CMI France.
Lors de ce premier vote, la rédaction estimait avoir obtenu des avancées sur «les garanties d’indépendance» proposées par le milliardaire catholique conservateur, et libéral sur le plan économique. Dans le projet de Pierre-Édouard Stérin, l’ancien ministre et entrepreneur Arnaud Montebourg était pressenti pour présider le futur conseil d’administration de l’hebdomadaire. Son profil de gauche souverainiste semblait correspondre à la ligne éditoriale de Marianne, dont la directrice de la rédaction est Natacha Polony.
Parallèlement aux négociations exclusives avec le milliardaire d’extrême droite, un challenger a fait une autre offre de reprise pour Marianne : l’entrepreneur Jean-Martial Lefranc, 62 ans, qui a fait carrière dans les jeux vidéo et avait repris le groupe de presse jeunesse Fleurus en 2009. Mais le montant de son offre, de 5 millions d’euros, est toutefois jugé insuffisant pour racheter et redresser Marianne, selon des sources internes.
Mise à jour : à 19 heures 15, avec la suspension de la grève des journalistes de Marianne.