Juillet 2022. Euronews, principale chaîne d’information européenne, était rachetée par le fonds d’investissement portugais Alpac Capital, dont le patron plaidait pour une «presse forte et libre». Les détails de la transaction étaient restés enfouis jusqu’à l’enquête publiée ce vendredi 12 avril par le média d’investigation hongrois Direkt36, le quotidien français Le Monde et l’hebdomadaire portugais Expresso. Ils révèlent que des entités proches du populiste hongrois Viktor Orbán auraient secrètement participé à l’achat d’Euronews, pour des motifs politiques.
Sur le papier, c’est le fonds d’investissement Alpac Capital, dont le directeur est le fils de l’ex-député européen Mario David, un ancien conseiller et ami personnel du Premier ministre nationaliste, qui a acquis une part majoritaire dans Euronews en juillet 2022. La transaction d’un montant d’environ 170 millions d’euros avait été validée deux mois avant par le ministère français des Finances.
Vu de Budapest
Mais selon l’enquête en question, au moins un tiers des fonds proviendrait de sources liées à Viktor Orban : le fonds hongrois Szechenyi, un organisme sous la tutelle d’une fondation présidée par le ministre hongrois de l’Economie Mihaly Varga au moment de la transaction, aurait contribué à hauteur de 45 millions d’euros.
Et ce n’est pas tout. L’enquête dénonce d’autres éléments : le principal partenaire dans les opérations de communication du gouvernement hongrois, New Land Media, aurait accordé un prêt de 12,5 millions d’euros à une filiale hongroise d’Alpac Capital impliquée dans cet achat, selon son propriétaire Gyula Balasy.
«Strictement confidentielle»
La raison de cet investissement ? Atténuer «le biais de gauche» dans les médias, d’après une présentation PowerPoint «strictement confidentielle» obtenue par Direkt36. Selon le média d’investigation hongrois, ce document suggère que des considérations d’ordre politique ont joué un rôle dans l’opération financière. Interrogé, Viktor Orbán a déclaré, par la voix de son attaché de presse, Bertalan Havasi, que le gouvernement hongrois n’était «pas au courant» de l’accord.
Pour l’heure, les journalistes d’Euronews contactés par Le Monde n’ont pas constaté d’influence éditoriale sur les sujets hongrois ou européens. Du côté des syndicats, ils ont dénoncé les contrats publicitaires signés avec des pays comme l’Azerbaïdjan et l’Arabie saoudite qui, selon eux, affectent les contenus.
Depuis l’arrivée au pouvoir de Viktor Orbán en 2010, le paysage médiatique hongrois a été profondément remanié : les médias publics sont devenus le relais de la politique officielle, tandis que des proches du pouvoir ont acheté des pans entiers du secteur des médias privés.