«Pas indispensable» selon Rima Abdul-Malak. «Un placebo» pour Jacques Toubon. Un «cataplasme un peu coûteux» pour Fleur Pellerin. Entendus jeudi après-midi par les députés de la commission d’enquête sur les fréquences TNT, cinq anciens ministres de la Culture se sont unanimement prononcés contre une éventuelle fusion de l’audiovisuel public, comme celle réclamée ces dernières semaines par la dernière pensionnaire de la rue de Valois, Rachida Dati. Interrogés à ce sujet par la députée Renaissance Constance le Grip (Hauts-de-Seine), en toute fin d’audition, les anciens ministres se sont répondu en écho sur la question.
«On ne va plus me la faire»
Ce fut d’abord Rima Abdul-Malak, débarquée en janvier, qui a évoqué son sentiment, «tout en respectant le chemin évoqué par Rachida Dati» et en partageant «l’objectif de fond» d’un «audiovisuel public fort» : «A mon arrivée, j’avais refait une grande concertation [avec les dirigeants de l’audiovisuel public] pour remettre en discussion ce sujet de la gouvernance, de l’évolution de cette gouvernance et des missions de l’audiovisuel public. J’en étais arrivée à la conclusion que cette holding, préalable à une fusion ou pas, n’était pas indispensable, que des rapprochements étaient possibles par le bas.» Sa prédécesseuse Roselyne Bachelot enfonce ensuite le clou : «Depuis le temps qu’on nous vend des fusions comme étant génératrices d’économies et de meilleurs fonctionnements et que tout ça va à la dérive… Le coup des économies de gestion générées par les holdings, on ne va plus me la faire.»
Ministre de la Culture sous la présidence Chirac, Renaud Donnedieu de Vabres s’est également prononcé contre toute idée de fusion, surtout à cause du contexte actuel : «La guerre est en Europe. Un professeur de lycée est obligé de quitter ses fonctions. Nous sommes dans une période d’une gravité essentielle. Pour moi, la mission de l’audiovisuel public est aujourd’hui de créer des liens.» Puis d’ajouter : «Chaque minute passée à des réflexions structurelles, qui sont certainement très importantes, sont à mon avis moins urgentes, moins stratégiques, qu’à réfléchir à l’air du temps et au lien, à la paix, et au respect.»
«Un placebo qui s’appellerait la fusion»
Jacques Toubon, ministre de la Culture entre 1993 et 1995 sous François Mitterrand, s’est montré du même avis, de manière encore plus tranchante, décrivant le débat sur la fusion comme «au mieux inopérant et superfétatoire, et plus probablement détestable» : «Ou alors cela veut dire qu’on n’a aucune idée sur le rôle de l’audiovisuel, a-t-il ajouté. Et qu’on préfère apporter sur toutes ces questions un placebo qui s’appellerait la fusion.» Enfin, Fleur Pellerin, ministre sous François Hollande de 2014 à 2016, s’est aussi déclarée «plutôt opposée à perdre du temps sur ces questions» : «Aujourd’hui, je pense que la question de la contribution de l’audiovisuel public à la diversité des opinions, au pluralisme des idées, sont des sujets beaucoup plus importants que des réflexions structurelles dont on n’est absolument pas sûr qu’elle apporteraient ces fameuses synergies, et qu’elles ne seraient pas au contraire des cataplasmes un peu coûteux, un étage supplémentaire de gouvernance, qui ne garantirait pas un meilleur respect de ses principes et une meilleure utilisation de ces deniers publics». Un consensus de ministres de droite et de gauche qui a fait rire Renaud Donnedieu de Vabres : «C’est mao-spontex, là !»