Une chaîne qui met «des cibles sur le dos des journalistes». Reporters sans frontières (RSF) a annoncé ce mercredi 1er octobre saisir l’Arcom, le régulateur de l’audiovisuel, afin de «sanctionner» la chaîne d’information CNews pour son traitement de l’affaire de Crépol (Drôme), où un adolescent avait été tué en 2023.
RSF a déclaré avoir pris cette décision après avoir «enquêté sur la vague de harcèlement et de menaces» proférées en mars 2025 envers les auteurs d’un livre d’enquête sur l’affaire, Une nuit en France, publié chez Grasset.
«Campagne de dénigrement»
Selon l’association, cette «vague» a été provoquée par la «campagne de dénigrement de l’ouvrage et de ses auteurs», menée pendant plus d’une semaine sur les plateaux de CNews, parce que «leur enquête remettait en cause la tentative de l’extrême droite politique et médiatique de faire de ce drame un “francocide”».
RSF souligne que la chaîne, dans le giron du milliardaire conservateur Vincent Bolloré, a «étrillé l’ouvrage, ses auteurs et leur version des faits dans au moins vingt-sept émissions jusqu’au 24 mars. Un lynchage sérialisé sur une semaine», alors qu’«aucune autre chaîne d’information ne traitait ce sujet avec une telle récurrence».
Analyse
«Ceux qui mettent des cibles sur le dos des journalistes sont bel et bien les intervenants de CNews, qui se nourrissent de la rancœur citoyenne et transforment cette chaîne en véritable média de la haine», a accusé le directeur général de RSF, Thibaut Bruttin, dans le communiqué.
«CNews ayant déjà été sanctionnée à de multiples reprises pour des faits de même nature, nous appelons l’Arcom à faire respecter la loi en faisant preuve de plus de fermeté», a-t-il ajouté.
Vive polémique à droite et à l’extrême droite
Les auteurs d’Une nuit en France, Jean-Michel Decugis, journaliste au Parisien, Pauline Guéna, romancière et scénariste, et Marc Leplongeon, journaliste à l’Equipe, avaient déposé plainte en mars pour menaces de mort et injures.
La mort de Thomas, un lycéen de 16 ans, poignardé lors d’un bal à Crépol, dans la nuit du 18 au 19 mars 2023, avait suscité une vive polémique dans la classe politique, la droite et l’extrême droite l’élevant en emblème d’une insécurité dans les zones rurales due, selon elles, à des habitants de quartiers urbains défavorisés.
Quatorze jeunes hommes, pour certains mineurs au moment des faits, ont été mis en examen pour «homicide volontaire et tentative d’homicides volontaires en bande organisée». Tous nient avoir porté le coup mortel.
L'édito d'Alexandra Schwartzbrod
L’antenne bolloréenne a battu en septembre son propre record d’audience selon les chiffres publiés lundi par Médiamétrie, confortant son statut de première chaîne d’info. Avec 3,9 % de part d’audience (PDA) en moyenne, CNews creuse l’écart avec BFMTV (2,9 %), deuxième chaîne info, devant LCI (2,2 %) et franceinfo (1,1 %).
«Depuis la rentrée, les audiences ont explosé», a célébré son dirigeant, Serge Nedjar, dans une interview au Figaro, estimant que «CNews est devenue une marque à laquelle les téléspectateurs adhèrent».
BFMTV touche pourtant plus de téléspectateurs (presque 48 millions par mois contre 40 pour CNews), mais sa concurrente bénéficie du fait que les gens la regardent plus longtemps. Le précédent record de CNews avait été atteint en juin avec 3,6 % de PDA. Septembre est le neuvième mois de suite où elle est en tête des chaînes info. La chaîne a en outre enregistré un record sur une journée le 10 septembre, lors du mouvement «Bloquons tout», avec 6,3 % de PDA.