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Bollorisation avant l'heure

Vivendi rachète Lagardère : la Commission européenne ouvre une enquête formelle sur une éventuelle prise de contrôle anticipée

Les changements importants au «JDD» et «Paris Match» menés par l’actionnaire Lagardère, en passe d’être racheté par Vivendi, ont mis la puce à l’oreille sur une éventuelle main mise de la part du groupe de Vincent Bolloré.
Vincent Bolloré, le 19 janvier 2022 lors de son audition au Sénat par la commission d'enquête relative à la concentration des médias en France. (Albert Facelly/Libération)
publié le 25 juillet 2023 à 19h17
(mis à jour le 25 juillet 2023 à 19h47)

La «Bollorisation» des médias dénoncée de toutes parts et combattue pied à pied par les journalistes du JDD en grève depuis plus d’un mois a alerté la Commission européenne. La purge au Paris Match ainsi que la nomination du zélateur de Zemmour Geoffroy Lejeune à la tête du Journal du dimanche sont certes officiellement menées par le groupe Lagardère, encore propriétaire des journaux. Mais le rachat prochain de Lagardère par le groupe Vivendi de Vincent Bolloré met le doute à Bruxelles qui annonce l’ouverture d’une enquête formelle visant à vérifier si le futur propriétaire ne dirige pas déjà en sous-main ces journaux en imposant des changements stratégiques au sein de leurs rédactions, comme parachuter l’ancien patron de l’hebdo d’extrême droite Geoffroy Lejeune à la tête du JDD. Si tel était le cas Vivendi exercerait une prise de contrôle anticipée et serait en infraction avec les règles de l’Union européenne.

Le 9 juin dernier, la Commission avait autorisé Vivendi à absorber son ancien rival Lagardère, à condition de céder sa filiale édition et le magazine Gala en échange de l’obtention de Paris Match. S’il s’avère que l’opération a été mise en œuvre avant ce feu vert, Bruxelles pourrait infliger à Vivendi une amende pouvant atteindre 10 % de son chiffre d’affaires total. L’UE «impose aux entreprises de notifier les opérations de dimension européenne et d’attendre notre autorisation avant de les réaliser. En outre, les entreprises doivent respecter les engagements qu’elles nous soumettent, sur la base desquels nous autorisons une opération», a déclaré la commissaire à la Concurrence, Margrethe Vestager, citée dans un communiqué.

«À ce stade, la Commission a recueilli suffisamment d’éléments pour ouvrir une procédure formelle d’examen visant à déterminer si Vivendi a respecté nos procédures», a-t-elle ajouté. Une porte-parole de l’exécutif européen avait déjà annoncé mi-juin qu’elle examinait une éventuelle violation des règles, mais les soupçons font désormais l’objet d’une enquête formelle.

L’ouverture d’une enquête «ne préjuge en rien de l’existence d’une infraction. Elle ne remet pas en cause l’autorisation de l’acquisition de Lagardère par Vivendi rendue par la Commission européenne», a réagi Vivendi. «A ce stade, Vivendi n’a pas de détails sur cette enquête avec laquelle elle entend coopérer pleinement», a insisté l’entreprise, ajoutant «avoir pleinement respecté les règles applicables en matière de concentrations» et s’engager «à continuer à les respecter jusqu’à la pleine exécution des remèdes offerts à la Commission européenne pour le rapprochement avec Lagardère».

L’ONG Reporters sans frontières (RSF) avait réclamé une telle enquête. «Compte tenu des nombreux signaux attestant d’une emprise croissante de Vincent Bolloré sur les médias du groupe Lagardère avant même la validation du rachat, il est étonnant qu’une enquête pour prise de contrôle anticipée n’ait pas été lancée plus tôt», avait alors estimé le secrétaire général de RSF Christophe Deloire qui s’est félicité ce mardi de l’ouverture d’une telle enquête. L’ONG avait pointé du doigt «les changements importants intervenus notamment dans les rédactions du Journal du Dimanche et de manière plus prégnante encore à Paris Match».

Mise à jour à 19 h 46 avec la réaction du groupe Vivendi.