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Libération
Pas le temps

Vivendi veut avaler Lagardère encore plus vite

Annoncée le 15 septembre, l’OPA du groupe de Vincent Bolloré sur Lagardère va être accélérée, avec en ligne de mire la succession de l’homme d’affaires breton prévue pour février 2022.
Devant l'immeuble Lagardère média à Paris le 30 juin, lors de la mobilisation de soutien aux journalistes d'Europe 1 pour garantir leur indépendance. (Marc Chaumeil/Libération)
publié le 9 décembre 2021 à 14h06

L’opération devait intervenir avant le 15 décembre 2022. Mais Vivendi, vorace, a décidé de s’y prendre avec un an d’avance. Dans un communiqué jeudi, le groupe contrôlé par Vincent Bolloré a annoncé vouloir procéder dans les prochains jours à l’acquisition des parts d’Amber Capital (17,5%) dans Lagardère (Hachette, Europe 1, le JDD, Paris Match…) pour les ajouter aux siennes (27%). L’affaire avait déjà été annoncée le 15 septembre dernier, mais Vivendi a finalement choisi de ne pas attendre l’autorisation de la Commission européenne et des autorités de la concurrence. Le groupe explique dans son communiqué avoir établi qu’il avait le droit d’accélérer sa montée au capital, tant qu’il n’exerce pas les droits de vote attachés à ces parts.

L’opération est en effet soumise au feu vert de plusieurs autorités, dont le Conseil supérieur de l’audiovisuel (futur Arcom) et la Commission européenne, en raison des risques de concentration dans les secteurs de l’édition (Vivendi est propriétaire d’Editis) et des médias. Un casse-tête juridique auquel Vivendi annonce qu’il se soumettra «au cours de l’année 2022». En attendant, le groupe de médias se contentera donc de ses 22,3% des droits de vote. Même si dans les faits, l’influence de Vincent Bolloré sur Lagardère se fait concrètement sentir depuis l’été dernier. D’abord par le rapprochement de la radio Europe 1 avec sa chaîne de télé CNews. Puis par l’éviction d’Hervé Gattegno de la direction des rédactions du JDD et de Paris Match. Il a été remplacé par deux bonnes connaissances de Bolloré, Jérôme Bellay et Patrick Mahé en octobre.

Par ailleurs, ce mouvement n’entraîne «aucune remise en cause de la structure actuelle du groupe Lagardère», a déclaré à l’AFP un porte-parole de Vivendi. «Arnaud Lagardère est le président indiscutable et le reste. Il a le soutien de Vivendi, qui conserve l’intégrité du périmètre du groupe Lagardère, y compris le travel retail», c’est-à-dire les boutiques dans les gares et aéroports, a-t-il ajouté. Après avoir abandonné en avril la commandite du groupe hérité de son père Jean-Luc, Arnaud Lagardère avait conservé son poste de PDG au sein de ce qui est devenu une banale société anonyme. Si l’opération de rachat aboutit, il pourrait devenir le simple manager de la maison portant son nom, mais désormais dirigée par Vivendi.

Février 2022 en ligne de mire

Avec ces 17,5% de parts supplémentaires, achetées à Amber pour un prix de 24,10 euros par action, Vivendi détiendra 45,1% du capital de Lagardère. «Cette opération n’entraînera aucun flux financier de part ni d’autres, Amber Capital conservant les fonds qui lui avaient été remis par Vivendi à titre de gage-espèces», précise le communiqué. Une somme de 610 millions d’euros avait en effet déjà été avancée au fonds londonien par le groupe de Vincent Bolloré, qui a les poches pleines depuis qu’il a introduit Universal Music en Bourse. Cette montée à plus de 30% du capital de Lagardère entraîne le déclenchement automatique d’une offre publique d’achat, que Vivendi s’engage à déposer avant février 2022. Cette OPA sur toutes les parts restantes du groupe Lagardère se fera au prix, là aussi, de 24,10 euros par action. Au total, Vivendi devrait débourser 2,5 milliards d’euros pour l’intégralité du groupe Lagardère. Actuellement, le reste des parts est notamment détenu par Arnaud Lagardère (à hauteur de 11%), Bernard Arnault (10%) et le Qatar (12%).

La date butoir de février 2022 n’est pas anodine : Vincent Bolloré a fait savoir ces dernières années son souhait de passer le flambeau à ses enfants le 17 février 2022, le jour du bicentenaire de l’entreprise familiale. Sans compter sur l’échéance, deux mois plus tard, de l’élection présidentielle, auquel son poulain Eric Zemmour vient de se déclarer candidat. Plus que jamais, Vincent Bolloré renforce sa mainmise sur le paysage médiatique.