Les appels au boycott n’y auront rien changé. Le fait qu’elle ne se tienne pas l’été comme à l’accoutumée non plus. Comme les précédentes, la Coupe du monde de football qui se tient cette année au Qatar entraîne toujours des effets notables sur plusieurs pans de l’économie française. La consommation de certains produits grimpe en flèche. A commencer par les téléviseurs, un grand classique. Après plusieurs mois de ventes élevées liées aux confinements, ce marché avait commencé l’année par un repli de 15% des ventes, en valeur comme en volume, au premier semestre. Début novembre, les achats de télé sont repartis à la hausse.
Laurent Darrieutort, directeur de l’électronique grand public de Fnac Darty, premier vendeur de télés en France, constate : «Malgré cette année un peu spéciale, la Coupe du monde a un impact très favorable. Les ventes de téléviseurs se sont accélérées trois semaines avant le début de la compétition, avec des écrans beaucoup plus grands, autour de 65 pouces, et des barres de son. La configuration hivernale a sans doute joué dans ces choix. Nous en avons vendu deux fois plus en novembre, mois où a également eu lieu le Black Friday, qu’en juin.» Les ordres de grandeur sont comparables à ceux du précédent Mondial en 2018. Quant aux vidéoprojecteurs, en plein essor depuis deux ans et le développement d’appareils à courte focale, ils atteignent «le plus gros volume de ventes jamais réalisé», remarque-t-il.
Friteuses, chips et cartes Panini
Le parcours conquérant de l’équipe de France dans la compétition a aussi favorisé la consommation de certains produits, parfois quelque peu inhabituels pour la saison. Les tireuses à bière, fabriques à glaçons et autres friteuses ont ainsi enregistré des progressions de ventes respectivement de 73%, 30% et 20%, dans le groupe Fnac Darty, entre le match de la France contre l’Angleterre en quarts de finale et celui contre le Maroc en demi-finale, comparativement à la semaine précédente. Dans la grande distribution, plusieurs rayons ont vu leur fréquentation croître. Celui des bières, dont les ventes ont augmenté de 2,3% en volume la semaine du 5 au 11 décembre (par rapport à la même semaine de l’an dernier), selon les données de l’institut Iri. Un effet est aussi sensible sur les achats de chips (+12,3%), ceux de «graines salées» (+5,1%) et de pizzas (+8,8%).
Data
La qualification des Bleus pour la finale a aussi tiré le marché des jeux à leurs effigies, dont les ventes totalisaient 10 millions d’euros au 3 décembre, selon le cabinet NPD, notamment les cartes Panini. «Il existe une corrélation entre les ventes et les résultats de l’équipe nationale. En 2018, les packs de cartes étaient devenus la troisième meilleure vente de jouets de l’année», remarque Frédérique Tutt, experte du marché du jouet pour ce cabinet. Les maillots à deux étoiles de l’équipe de France ne connaissent pas de rupture de stocks. Ils sont même en promotion dans plusieurs enseignes spécialisées dans le sport.
Pic électrique après le coup de sifflet
Les fortes audiences des matchs à la télé ont aussi une répercussion sur la consommation d’électricité, particulièrement scrutée en ces temps de sobriété énergétique et de risques de rupture d’approvisionnement. Elle baisse au début du match pour grimper à la mi-temps. RTE, le gestionnaire des lignes à haute tension a ainsi constaté lors de la demi-finale France-Maroc «une reprise de la consommation d’environ 500 megawatts soit l’équivalent de la consommation d’une ville comme Bordeaux, est observée avant de voir de nouveau la consommation s’infléchir plus vite que prévu à la reprise du jeu». Un pic attribué à la reprise des habitudes, comme lancer des cuissons ou allumer des lumières dans les autres pièces. Le même phénomène a suivi le coup de sifflet final vers 21h50. Dix minutes plus tard, la consommation est revenue à la normale. Ces à-coups, RTE assure savoir les gérer et précise tout de même qu’il «surveillera de près la consommation électrique durant le match de dimanche également».
La Coupe du monde dope les ventes dans certains secteurs, mais pas suffisamment pour que cela se lise clairement dans les données de conjoncture économique. Avant la victoire de 2018, Euler Hermes, l’assureur-crédit, avait estimé que remporter la compétition rapporterait 0,2 point de consommation supplémentaire, et donc 0,1 point de croissance. L’étude n’a pas été réactualisée cette année. Des économistes évoquent aussi un possible regain de confiance, toujours bon à prendre en ces temps de tensions inflationnistes. L’Insee indique, pour sa part, que «l’impact au niveau macroéconomique reste marginal». Et L’institut prévoit d’ailleurs, dans sa dernière note de conjoncture, un recul de la consommation des ménages de 0,7 % pour ce quatrième trimestre.