Elle n’a pas réussi à se relever. La Société Le Nickel (SLN), une entreprise d’exploitation minière, va «mettre en sommeil» le centre de Thio, commune située sur la côte Est de la Nouvelle-Calédonie. La société a expliqué, ce lundi 14 octobre, être trop atteinte par les violences des émeutes de mai dernier, liées à la mobilisation contre le dégel du corps électoral. Près de 230 salariés et 120 emplois de sous-traitance, qui représentaient 31 millions d’euros de contrats annuels, sont menacés.
«Toute l’économie, nos magasins, nos marchés dépendent de la mine. […] La SLN, c’est 140 ans de la vie de Thio. Apprendre une nouvelle pareille, ça n’a rien de réjouissant», a déploré Jean-Patrick Toura, le maire de la commune. Dans un courrier adressé aux salariés, le directeur général de l’entreprise, Guillaume Kurek a raconté «l’empêchement absolu et durable d’accéder [au site] et d’exploiter les mines».
Le 13 mai 2024, des émeutes éclatent en Nouvelle-Calédonie et causent de nombreux incendies, pillages et affrontements armés. Un texte de loi voté par les sénateurs et les députés, qui consiste à élargir le corps électoral aux élections provinciales, essentielles dans l’archipel, a été le déclenchement de ces violences. Les partisans de l’indépendance de ce territoire ont jugé que ce dégel risquerait de réduire leur poids électoral et «minorer encore plus le peuple autochtone kanak».
«Blocages, menaces, et intrusions répétées»
Le centre minier de Thio n’a pas été épargné par ces violences. Le convoyeur qui permettait de charger les minéraliers a été entièrement détruit par un incendie, de même que des laboratoires, des bureaux et maisons d’employés. Le matériel minier, les pelles, les chargeuses, les camions ont eux aussi été incendiés, détruits ou volés, entraînant «une impossibilité pure et simple d’opérer», a constaté la SLN qui pointe également du doigt «les blocages, menaces, et intrusions répétées».
Minerai
Ces dégâts ont été le coup de grâce pour l’industrie du nickel déjà sur la sellette. La concurrence exacerbée de l’Indonésie a contraint de nombreux géants du secteur à mettre en sommeil mines et sites métallurgiques, notamment en Australie. En Nouvelle-Calédonie, cette crise est aggravée par un coût élevé de l’électricité, dont la métallurgie est très consommatrice. Fin août, faute de repreneur, l’usine du Koniambo Nickel SAS, dans le nord du territoire, a été contrainte de fermer ses portes, laissant 1 700 salariés sur le carreau. La SLN est dans le rouge et son actionnaire majoritaire, le groupe français Eramet, a indiqué à plusieurs reprises ne plus vouloir financer sa filiale.
Et c’est tout une page de l’histoire minière qui se tourne. La SLN est étroitement liée à l’industrie minière mondiale. C’est en Nouvelle Calédonie, qu’en 1875, le tout premier minerai de nickel a été extrait, donnant naissance à une industrie aujourd’hui en pleine mutation. L’entreprise y est née 5 ans plus tard, en 1880, et n’avait jamais interrompu son activité sur place, même pendant les graves troubles des années 1980, dont Thio était l’épicentre.