Qui va payer plus d’impôts en 2025 ? Qui va devoir se serrer la ceinture ? Le gouvernement a présenté un budget austère pour l’année à venir, qui vise à dégager 60 milliards d’euros en 2025 pour ramener le déficit à 5 % du PIB l’an prochain, avant de tenter de passer sous les 3 % en 2029. Mais comment le gouvernement va-t-il s’y prendre pour éponger une dette de 3 300 milliards d’euros ? Libération revient sur les principales mesures.
L’équilibre général
Le gouvernement annonce environ 20 milliards de hausse de la fiscalité et 40 milliards de dépenses publiques, dont environ 20 milliards sur les budgets des ministères, 5 milliards sur les dotations de l’Etat aux collectivités locales et 15 milliards sur les dépenses sociales et de santé (prévues par le projet de loi de finances de la Sécurité sociale), dont des retraites ponctionnées et des cotisations sociales alourdies.
Qui va payer plus d’impôts ?
Les 65 000 ménages les plus riches, ceux qui étaient déjà assujettis à la surtaxe d’impôt sur les plus fortunés : ceux dont le revenu global, tout type de revenu confondu, dépasse les 250 000 euros pour une personne seule ou 500 000 euros pour un couple (avec un mécanisme qui épargne ceux qui encaissent un revenu exceptionnel), soit «0,3 % des foyers français» selon le gouvernement. Pendant une période «temporaire» de trois ans – au lieu de deux initialement évoqués –, l’impôt sur le revenu de ces ménages sera relevé afin de garantir qu’ils sont imposés à un taux moyen minimum de 20 %, ce qui éliminera donc pour eux le bénéfice de divers abattements fiscaux. Objectif : 2 milliards d’euros de recettes supplémentaires.
Les 400 entreprises dont le chiffre d’affaires dépasse 1 milliard d’euros seront soumises à une surtaxe d’impôt sur les bénéfices, qui s’appliquera sur les années 2024 et 2025. La contribution correspond à 20,6 % de l’impôt sur les sociétés 2024 pour les entreprises dont le chiffre d’affaires est compris entre 1 et 3 milliards, et de 41,2 % pour celles qui dépassent 3 milliards. Cette mesure devrait rapporter 8 milliards par an. Une surtaxe frappera aussi les bénéfices des gros armateurs, qui devrait rapporter 500 millions en 2025 et 300 millions en 2026.
Toutes les entreprises paieront davantage de cotisations patronales. Le gouvernement a prévu de «recibler» les allègements de cotisations employeurs sur les salaires. Cette mesure doit rapporter environ 5 milliards d’euros. Autres aides dans le collimateur, celles pour l’embauche des apprentis, réduites de 1,2 milliard, avec notamment dans les tuyaux une possible diminution de la prime à l’embauche, qui pourrait passer de 6 000 euros actuellement à 4 500 euros. Toujours côté entreprises, il est prévu d’annuler la baisse des impôts de production (CVAE), ce qui permettra de continuer à percevoir 1,1 milliard d’euros. Enfin, le gouvernement veut taxer les rachats d’actions et ponctionner un dividende de 2 milliards d’EDF.
Qui va gagner moins ?
Les 17 millions de retraités, qui devront se serrer la ceinture six mois en raison du décalage de la revalorisation des pensions de retraite, du 1er janvier 2025 au 1er juillet. Gain attendu pour les comptes de la Sécu : 3,6 milliards d’euros. Pour un retraité «qui bénéficie d’une pension de retraite de 1 500 euros», le manque à gagner «serait de 15 euros par mois pendant les six mois de janvier à juin», calcule le président du Conseil d’orientation des retraites, Gilbert Cette.
Les Français dont la facture d’électricité n’est pas au tarif réglementé. La taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité va nettement augmenter pour tous les Français. Ce qui pourrait entraîner une hausse des factures pour les 6 à 8 millions de ménages qui ne sont pas au tarif réglementé. Pour les autres, l’effet devrait être plus qu’amorti par la diminution du tarif réglementé, prévue le 1er février, avec une garantie de baisse de leur facture globale de 9 % . Cette hausse de taxe pourrait rapporter plusieurs milliards mais les recettes ne sont pas chiffrées à ce stade.
Qui va dépenser plus ?
Les passagers des avions et les acheteurs de voitures. Le gouvernement compte prélever un milliard d’euros supplémentaire sur le transport aérien, soit le double de ce que rapporte actuellement la taxe sur les billets d’avion, dite de solidarité, qui serait donc nettement augmentée. Elle sera intégralement répercutée sur le tarif des billets, selon les compagnies, et frappera aussi bien les jets privés que les vols courts et longs courriers. Par ailleurs, les acquéreurs de voitures neuves les plus polluantes pourraient voir augmenter le bonus/malus automobile, dit écotaxe, qui est appliquée à l’achat des véhicules les plus émetteurs de CO2.
Qui va se serrer la ceinture ?
Les ministères. Le coup de rabot, d’un total de 21,5 milliards, n’épargnera quasiment aucun ministère, avec une baisse franche pour certains, tandis que d’autres verront leur budget ne pas grimper autant que prévu initialement. Parmi les plus fortes coupes, l’aide au développement, les crédits du plan de relance ou encore la mission Travail et emploi. Sans oublier l’Education, où près de 4 000 postes d’enseignants seront supprimés en 2025, dont 3800 dans le primaire. En revanche 2 000 postes d’accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH) seront créés.
Les collectivités locales. Le gouvernement va leur imposer une cure d’amaigrissement à hauteur de 5 milliards d’euros, en réduisant leurs dotations, auquel s’ajoute la baisse du «fonds vert». Le principal dispositif est un fonds d’épargne qui serait imposé aux 450 «plus grosses» collectivités, pour un coup de frein de 2,8 milliards d’euros sur la dépense. Autre annonce, un gel de la revalorisation annuelle des recettes de TVA touchées par les collectivités pour une économie avoisinant 1,3 à 1,5 milliard d’euros. La troisième mesure proposée par l’Etat pèserait sur le fonds qui sert normalement à compenser la TVA acquittée par les collectivités. Ce qui devrait rapporter 800 millions d’euros.
L’écologie. Parmi les coupes de dépenses, d’un total de 1,9 milliard, figurent des baisses de l’enveloppe de MaPrimeRénov (1 milliard en moins), de la prime à l’achat de voitures électriques (500 millions de moins) et du fonds vert pour les collectivités, qui doit accélérer la transition écologique dans les territoires, réduit de 1,5 milliard par rapport au projet de loi de finances 2024), ainsi qu’une hausse de la TVA sur les chaudières à gaz. Sera aussi alourdie l’écotaxe (malus pour l’achat de voitures les plus polluantes) de 300 millions.
Les patients. Bercy compte aussi freiner la trajectoire de dépenses d’assurance maladie qui va progresser de 2,8 %, en 2025. Et ainsi économiser 3,8 milliards d’euros. La modération des dépenses passera notamment par le relèvement du ticket modérateur (la partie non remboursée par la Sécu) sur les médecins et sages-femmes qui passerait de 30 à 40 %. Le gouvernement espère ainsi économiser 1,1 milliard d’euros. Cette décision touchera directement les mutuelles qui remboursent le reste à charge. Si on ajoute à cela la revalorisation des consultations (30 euros pour un généraliste, contre 26,50 actuellement), effective à partir de décembre, ces évolutions pourraient coûter 1,2 milliard d’euros aux assureurs, selon le syndicat la Mutualité de France. Sans compter que le projet de budget prévoit aussi la baisse du plafond de prise en charge des indemnités journalières (600 millions d’euros) de 1,8 à 1,4 smic. Vient ensuite la maîtrise du prix des produits de santé, comme les prothèses ou les machines pour l’apnée du sommeil (1,2 milliard). Par ailleurs, le reste à charge des assurés lors des consultations médicales et les examens de radiologie et de biologie, qui avait déjà été doublé et passé à deux euros le 15 mai, «continuera à monter en charge», précise Bercy, avec l’objectif d’encaisser 300 millions d’économies supplémentaires.