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Panneaux solaires : concurrencé par la Chine, Systovi, l’un des derniers fabricants français, ferme son usine

A l'heure de la transition écologiquedossier
L’assembleur français de panneaux photovoltaïques Systovi a annoncé la cessation de ses activités ce mercredi 17 avril, après avoir été placé en liquidation judiciaire. Il dénonce «l’accélération soudaine du dumping chinois».
Dans l'usine du fournisseur d'équipements d'énergie solaire Systovi à Carquefou, le 6 mars 2023. (Sebastien Salom-Gomis/AFP)
publié le 17 avril 2024 à 19h41
(mis à jour le 17 avril 2024 à 19h41)

A première vue, ça n’a aucun sens. Alors que le marché de l’énergie solaire bat records sur records en France, la production nationale de panneaux vient de subir un nouveau coup dur, avec la fermeture annoncée ce mercredi 17 avril de l’usine Systovi, à Carquefou, près de Nantes. Il s’agissait de l’un des deux derniers producteurs français de panneaux solaires. Créée en 2008, cette filiale du groupe français Cetih était spécialisée dans l’assemblage de leurs différentes composantes. Elle accusait des pertes de 4,1 millions d’euros en 2023, et cherchait un repreneur depuis mars. L’usine employait 81 salariés.

Dans un communiqué publié après le placement de l’entreprise en liquidation judiciaire par le tribunal de commerce de Nantes, son directeur général Paul Toulouse précise que «malgré de nombreux contacts, aucune n’a été concrétiser l’offre», en dépit du soutien de l’Etat. «Nous sommes très tristes de cette issue et mobilisons dès à présent toute notre énergie pour accompagner du mieux possible les femmes et les hommes qui se sont battus depuis 15 ans pour faire exister le solaire français», a-t-il ajouté.

«Dumping chinois» et «drame industriel»

L’entreprise explique notamment faire «face à l’accélération soudaine du dumping chinois depuis l’été 2023». A Ouest France, Paul Toulouse expliquait en janvier que «jusqu’à l’été 2023, nos produits étaient vendus deux fois plus cher que les chinois. Maintenant, c’est quatre fois plus». Une conséquence du protectionnisme mis en place par les Etats-Unis contre Pékin, et qui mène le marché asiatique à d’avantage se concentrer sur l’Europe, faisant baisser les prix.

Samedi 13 avril, la tête de liste du Parti socialiste pour les élections européennes Raphaël Glucksmann avait largement évoqué le sort de l’usine Systovi lors de son meeting de campagne à Saint-Herblain, défendant la mise en place d’un «protectionnisme européen». Il s’était rendu sur le site le matin même. Ce mercredi, le député socialiste européen Christophe Clergeau a dénoncé sur X «un vrai drame industriel», affirmant que «rien n’a été fait contre l’agression chinoise contre la filière photovoltaïque européenne».

Du côté de la France Insoumise, la député européenne Marina Mesure avait publié une tribune à propos de Systovi dans le Monde en février, plaidant pour que l’UE imites les américains et impose aussi des quotas et des droits de douane. Au côté du député FI de Loire-Atlantique Matthias Tavel, elle avait alerté mi-mars le ministre de l’Economie Bruno Le Maire sur les difficulté rencontrées par l’entreprise, dans une lettre diffusée sur X.

L’ultra-domination industrielle de la Chine n’en est pas à sa première victime sur le vieux continent. Le 17 janvier, l‘industriel suisse Meyer Burger avait annoncé que son usine de Freiberg, en Allemagne, pourrait bientôt être délocalisée aux États-Unis. Comptant 500 salariés, «la plus grande production opérationnelle de modules solaires en Europe» avait subi environ 133 millions d’euros de perte en 2023. «Compte tenu de la détérioration de l’environnement du marché européen, la poursuite de la production solaire à grande échelle n’est plus viable pour le moment», expliquait l’entreprise.

Un «plan de bataille» français mal embarqué

La cessation d’activité de Systovi intervient au mauvais moment pour le gouvernement. En effet, la France a lancé début avril un «plan de bataille» pour doubler le rythme de déploiement des capacités d’énergie solaire sur son territoire d’ici 2030. Objectif : soutenir la production de panneaux solaires fabriqués en Europe, face à la Chine, premier producteur mondial. L’exécutif compte notamment sur la mise en service de deux usines de panneaux solaires dans le pays d’ici 2025, pour compenser le retard de la France dans l’industrie photovoltaïque. L’industrie verte européenne risque de dépendre de plus en plus de la Chine pour sa transition énergétique, des panneaux aux pompes à chaleur, d’où un «solde commercial vert» déficitaire.

La France produit aujourd’hui 19,3 gigawatts d’énergie solaire, après une progression de 3,2 GW en 2023 de ses capacités de production. En 2022, cette hausse était de 2,7 gigawatts. Une progression très lente face aux besoins massifs de décarbonation du pays. Pourtant, dans sa feuille de route énergétique publiée fin novembre, le gouvernement a avancé à 2035 (au lieu de 2050) l’objectif de 100 GW.

«Trop petite»

Début avril, après une visite d’un parc photovoltaïque dans le sud de la France, Bruno Le Maire avait affirmé que l’objectif de la France est «d’ici 2030», de produire «40 % des panneaux photovoltaïques que nous utilisons». Une ambition en cohérence avec le Green Deal européen, qui vise à atteindre au moins 40 % d’énergies propres en 2023. Mais qui semble tout de même difficile à atteindre si la filière multiplie ce type de naufrage.

Le 26 mars, à l’Assemblée nationale, le député insoumis Matthias Tavel, avait de nouveau interpellé le gouvernement, en l’occurrence ministre de l’Industrie et de l’Energie Roland Lescure sur la situation de l’usine Systovi et «les mesures pour sauver les panneaux photovoltaïques français». Le ministre avait rétorqué que l’entreprise était «trop petite pour le marché dans lequel elle évolue», l’Etat souhaitant privilégier les fabricants plutôt que les assembleurs. En somme, face au géant chinois, la production européenne doit être massive, ou ne pas être.

Mise à jour : le 18 avril à 16h30 avec les éléments sur Marina Mesure.