Le déficit public français a dérapé l’an dernier, à 5,5 % du PIB, creusant la valeur absolue de la dette française en euros. Mais pour une comparaison temporelle fiable, il est d’usage de comparer la dette publique par rapport produit intérieur brut (PIB), qui est l’indicateur de la création de richesse en France sur une année. Cela permet d’éclairer davantage la soutenabilité de la dette du pays : du fait de l’inflation, un euro de l’an 2000 vaut 50 % de plus qu’un euro de 2024.
Or, lorsqu’on compare la dette publique au produit intérieur brut, on constate une diminution de cet indicateur en 2023 : la dette publique représentait 110,6 % du PIB, contre 111,9 % un an plus tôt. Depuis le pic de l’année 2021 et de la politique du «quoi qu’il en coûte», ce taux d’endettement relatif a diminué de presque 7 points.
Récit
La raison de cet apparent paradoxe ? Une progression du PIB plus forte que celle du déficit. L’augmentation du produit intérieur brut comprend une partie réelle (on parle de «croissance réelle»), et une partie gonflée par l’augmentation des prix. En 2023, avec une inflation à 6,1 %, c’est surtout cette dernière qui a progressé, plus vite que le déficit.
L’économiste François Geerolf a donc recalculé le déficit budgétaire de 2023 selon ce principe, montrant que la France a, dans les faits, réalisé un excédent de 0,6 % du PIB, au lieu d’un déficit de 5,5 %, mis en avant par les pouvoirs publics.
Merci à la taxe inflationniste = 6.1% du PIB, à soustraire du déficit = 5.5% du PIB.😉
— François Geerolf (@FrancoisGeerolf) March 26, 2024
La 🇫🇷 est donc en excédent de 0.6% du PIB pour 2023, une fois prise en compte la taxe inflationniste, ce qui explique pourquoi la dette publique baisse en % du PIB.🙃
(croissance réelle = 0.7%) https://t.co/6m4D2cP8Ke
L’économiste Daniel Cohen, mort il y a un an, dénonçait d’ailleurs l’incohérence du calcul actuel du déficit : «La manière statistique de calculer le déficit, qui a force de loi, est fausse, parce qu’elle prend en compte la charge des intérêts qu’on paye sans faire cette correction», soulignait-il sur France Culture en mai 2022. «Tous les économistes de la planète le savent, n’importe lequel pris au hasard sait qu’il faut faire cette correction. Il n’y a que les Parlements et les autorités à Bruxelles qui l’ignorent, c’est une tragédie», ajoutait-il encore.
Ce spécialiste de la dette souveraine qualifiait l’effet de l’inflation sur la valeur des titres des détenteurs de dettes de «taxe inflationniste».