C’est l’histoire d’une entourloupe parlementaire qui reste en travers de la gorge des patrons de centres commerciaux. A leur grande satisfaction, le projet de loi sanitaire voté dimanche soir ne comporte pas d’obligation de soumettre leurs clients à la présentation d’un pass sanitaire, quelle que soit sa taille. Mais, surprise du chef, les préfets pourront instaurer cette mesure si «la gravité des risques de contamination» à l’échelle d’un département le justifie.
«Le gouvernement a sorti du chapeau cet amendement» de dernière minute après la réunion d’une commission mixte paritaire entre sénateurs et députés, a observé le délégué général du Conseil national des centres commerciaux (CNCC), Gontran Thüring.
En effet, la majorité est revenue sur la décision prise collectivement, pour laisser ainsi la possibilité au représentant de l’Etat dans le département de mettre en place un pass dans les grands magasins et centres commerciaux «lorsque leurs caractéristiques et la gravité des risques de contamination le justifient».
«On peut penser qu’on gardera un seuil de 20 000 m²» pour déterminer les centres commerciaux concernés, analyse Gontran Thüring, qui espère aussi que le décret d’application de la loi votée dans la soirée de dimanche «va préciser les critères sanitaires qui devront être retenus pour qu’un préfet prenne une telle décision». L’amendement précise que la décision du préfet doit être «motivée».
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La menace, qui pèse sur environ 350 centres commerciaux de cette dimension en France, «reste pour nous une mesure inéquitable et difficilement applicable», estime-t-il auprès de l’AFP. «Inéquitable parce que seuls les centres commerciaux seraient ciblés et pas les autres commerces», et difficilement applicable parce que «cela nécessiterait de trouver du jour au lendemain le personnel de sécurité nécessaire».
Lors de son allocution télévisée, le 12 juillet dernier, Emmanuel Macron avait dans un premier temps annoncé que le pass sanitaire serait exigé à l’entrée des centres commerciaux, y compris pour les employés.
De son côté, la Fédération du commerce coopératif et associé (FCA) a estimé lundi qu’il s’agissait d’une mesure «dans l’ensemble satisfaisante pour les commerces».
[ACTU] Le pass sanitaire ne sera finalement pas obligatoire dans les centres commerciaux mais les préfets pourront l'imposer "si des risques de contamination le justifient". Une mesure dans l'ensemble satisfaisante pour les commerces.
— Fédération du Commerce Coopératif et Associé (FCA) (@FCACommerce) July 26, 2021
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Dans les Echos, le délégué général du CNCC se réjouit que la mesure «épargne les plus petits centres». Et salue au passage la disposition qui évite aux salariés des commerces réfractaires à la vaccination de se faire licencier.
Sous la pression des sénateurs LR, le texte a en effet été substantiellement modifié : un salarié sans justificatif sera suspendu, sans salaire. Ce point a été âprement discuté dimanche. «Le covid est temporaire, les licenciements sont définitifs», a fait valoir le rapporteur LR au Sénat Philippe Bas.
Pour les centres commerciaux, se pose en outre la difficulté de trier les consommateurs accédant aux pharmacies ou aux magasins alimentaires, non soumis à un pass sanitaire, et ceux qui se rendent dans les autres magasins du centre commercial. «Sans parler de ceux qui accéderaient aux plateformes de vaccination qui s’installent dans ces centres commerciaux» et qui n’ont forcément pas de pass sanitaire, souligne Gontran Thüring.
Alors que la rentrée scolaire est un temps fort de l’activité commerciale dès la fin du mois d’août, il avertit que les professionnels se réserveront le droit de former des recours administratifs «en cas d’excès de zèle des préfets» dans la mise en place de ce pass sanitaire.