Ils n’ont pas osé. Le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS), dont l’examen a débuté à l’Assemblée nationale, ne contient finalement pas la polémique ponction que le gouvernement avait annoncé vouloir opérer sur les recettes de l’Agirc-Arrco, la caisse qui gère les retraites complémentaires de 13 millions de retraités du privé. Mardi 24 octobre, devant les députés, le ministre des Comptes publics Thomas Cazenave a confirmé que l’exécutif ne déposerait pas «à ce stade» d’amendement au projet de budget de la Sécu sociale imposant une telle contribution pour financer le système global de retraites, comme il l’avait longtemps envisagé.
La réforme des retraites adoptée en avril va entraîner une augmentation des ressources (par l’allongement de la durée du travail) et une baisse des dépenses (par la diminution du nombre de nouveaux retraités) de ce régime de retraites complémentaires géré par les acteurs sociaux, pour un bénéfice de 1,2 milliard d’euros en 2026, puis de 3 milliards d’euros en 2030, selon les estimations du gouvernement. Le ministre du Travail, Olivier Dussopt, considérait que ces sommes devaient servir à l’équilibre de l’ensemble des régimes.
Projections
«La gestion paritaire est confortée»
Mais ni les syndicats ni une grosse partie du patronat ne l’ont entendu de cette oreille : courant octobre, quatre organisations de salariés sur les cinq représentatives (la CGT ayant attendu ce mercredi pour annoncer qu’elle signait l’accord pour «maximiser le rapport de force») et le Medef ont adopté un accord qui ne tient pas compte des demandes du gouvernement et privilégie une revalorisation des pensions complémentaires à peu près conforme à l’inflation (+4,9 % au 1er novembre). A la suite du recul du gouvernement, la CFDT a fait part de sa satisfaction : «La gestion paritaire est confortée», s’est félicité Yvan Ricordeau, négociateur cédétiste pour les retraites complémentaires. Une «bonne nouvelle», également, pour Cyril Chabanier, le président de la CFTC.
«Robuste»
Les acteurs sociaux avaient reçu ces dernières semaines le soutien de l’ensemble des oppositions. Si bien que planait sur le gouvernement, ces derniers jours, la menace d’une motion de censure majoritaire, et donc d’un renversement d’Elisabeth Borne à la suite du 49.3. Un risque qui a semble-t-il été pris au sérieux. Mais qui n’a pas empêché le ministre des Comptes publics de remettre un coup de pression sur les gestionnaires de l’Agirc-Arrco en les sommant de «définir un co-financement des minima de pension des salariés, ou d’autres dispositifs de solidarité, à partir de 2024», et de le faire de manière «rapide», en sous-entendant que l’amendement pourrait faire son retour dans les prochaines semaines, durant la navette parlementaire.