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Inflation

Pour la première fois depuis juillet 2022, la BCE ne relève pas ses taux

Tentant de maintenir un équilibre précaire entre la flambée des prix et un début de grippage de l’économie, la Banque centrale européenne a décidé ce jeudi 26 octobre de maintenir ses taux, à 4 %.
La présidente de la Banque centrale européenne Christine Lagarde, à Bruxelles, le 20 mars 2023. (Union Europeenne/Hans Lucas. AFP)
publié le 26 octobre 2023 à 14h20
(mis à jour le 26 octobre 2023 à 15h38)

La BCE appuie enfin sur le frein. Après dix hausses successives depuis juillet 2022, la Banque centrale européenne a décidé de laisser ses taux inchangés ce jeudi 26 octobre. Son principal taux directeur rémunérant les dépôts, qui est la référence pour le crédit en zone euro, se maintient ainsi à 4 %. Mais selon les spécialistes, une première baisse des taux ne devrait en revanche pas arriver avant la seconde moitié de 2024, au plus tôt.

En plus du taux de dépôt, qui reste à son niveau le plus haut depuis le lancement de la monnaie unique en 1999, les taux de refinancement et de facilité de prêt marginal se situent respectivement à 4,50 % et 4,75 %.

En septembre, la BCE dirigée par la Française Christine Lagarde avait de nouveau relevé tous ses taux directeurs au terme d’une discussion serrée jusqu’au bout au sein du conseil des gouverneurs, marquée par un dilemme entre lutte contre la hausse des prix encore tenace et signes de contraction de l’activité économique. Mais l’inflation dans la zone euro a surpris à la baisse, passant de 5,2 % en août à 4,3 % en septembre, en glissement annuel, pour revenir à son niveau d’octobre 2021. L’inflation en zone euro est «en net recul», mais «devrait rester trop forte pendant une trop longue période», note la BCE.

Car c’est toujours loin de l’objectif de 2 % fixé par la BCE, mais le volume des crédits accordés au secteur privé en zone euro a de nouveau fortement ralenti en septembre, ce qui est une preuve que les hausses de taux continuent de produire leur effet. «La transmission des précédentes hausses des taux décidées par le Conseil des gouverneurs aux conditions de financement demeure vigoureuse, analyse la BCE. Ceci freine de plus en plus la demande et contribue ainsi au ralentissement de l’inflation.»

Mais ces données alarment plusieurs secteurs, à commencer par celui de l’immobilier, car les hausses de taux ont pour conséquence de renchérir le coût du crédit pour les ménages et les entreprises. Et encore, les relèvements précédents n’ont pas encore eu toutes leurs conséquences, car les décisions de politique monétaires mettent plusieurs mois à se traduire dans l’économie.

«Les risques de regain d’inflation demeurent et ont augmenté»

La BCE s’est par ailleurs dite «très attentive» au risque économique posé par la guerre entre Israël et le Hamas qui pourrait notamment faire grimper les prix de l’énergie, a ajouté Christine Lagarde. Les prix de l’énergie sont devenus «moins prévisibles» et les «tensions géopolitiques accrues pourraient les faire grimper à court terme», a-t-elle précisé. Or dans ce contexte de tensions, «les entreprises et les ménages deviennent moins confiants et plus incertains quant à l’avenir», a-t-elle ajouté.

Avec toutes les nouvelles incertitudes sur la table, géopolitiques et économiques, «il n’y a pas eu de meilleur moment au cours des seize derniers mois pour que la BCE marque une pause» ce jeudi, résume Carsten Brzeski, économiste chez ING. Le gouverneur de la Banque de France François Villeroy de Galhau avait de son côté jugé «approprié» le niveau actuel des taux directeurs, se disant confiant quant à un repli de l’inflation autour de l’objectif de 2 % de la BCE, d’ici à 2025.

Cependant, «les risques de regain d’inflation demeurent et ont augmenté» en raison de la crise au Proche-Orient, qui pousse déjà les prix du pétrole et du gaz à la hausse, note Fritzi Köhler-Geib, cheffe économiste à la KfW. La question des hausses futures de salaires susceptibles d’alimenter l’inflation est aussi primordiale.

La BCE emboîte ainsi le pas d’autres institutions monétaires. Mi-septembre, Réserve fédérale américaine (Fed) avait laissé inchangé son taux directeur avant que, dans la foulée, la Banque d’Angleterre en fasse de même après 14 tours de vis monétaires consécutifs. Mais début octobre, Jerome Powell, le patron de la Fed, avait jugé l’inflation américaine toujours «trop élevée» et n’avait pas exclu un relèvement supplémentaire de ses taux directeurs.

La BCE suivra-t-elle le même rythme ? Ce répit «ne préjuge en rien de la suite», souligne Franck Dixmier, d’Allianz Global Investors. Cela signifie que Christine Lagarde laissera «ouverte l’option de futures nouvelles hausses de taux», croit Jack Allen-Reynolds, de Capital Economics. L’institution monétaire pourra préciser ses intentions lors de sa réunion de décembre, en fonction des derniers chiffres d’inflation et d’un nouveau jeu de projections économiques prolongé à l’horizon 2026. En tout cas, la BCE a prévenu ce jeudi : «Les futures décisions du Conseil des gouverneurs feront en sorte que ses taux directeurs soient fixés à des niveaux suffisamment restrictifs, aussi longtemps que nécessaire.»

Mise à jour à 15h35 : avec plusieurs citations de Christine Lagarde lors de sa conférence de presse.