C’est le nouvel épouvantail des particuliers qui cherchent à acquérir un appartement ou une maison. Le taux d’usure, un indicateur fixé par la Banque de France qui correspond au maximum auquel une banque peut prêter, serait le principal responsable du refus de prêts immobiliers depuis le début de l’année. Plus précisément, 35,8% des refus depuis le 1er janvier dernier seraient motivés par ce fameux taux d’usure, selon un sondage Opinion System auprès des intermédiaires bancaires (principalement les courtiers), commandé notamment par l’Association française des intermédiaires en bancassurance (Afib) et révélé mardi par France Info. «C’est une proportion alarmante», estime Jérôme Cusanno, le président de l’Afib, qui appelle sur la radio publique à des mesures de corrections.
Pour comprendre pourquoi le taux d’usure pose problème, il faut se pencher sur son mode de calcul. La Banque de France le détermine chaque trimestre en faisant la moyenne des taux pratiqués par les banques les trois mois précédents, puis la majore d’un tiers. Depuis le 1er juillet, il est ainsi fixé à 2,57% pour les prêts immobiliers de vingt ans ou plus. Ce garde-fou est censé protéger les ménages de taux abusifs : lors de la négociation d’un prêt immobilier, un banquier veille à ce que le taux annuel effectif global (Taeg) de son emprunteur, c’est-à-dire à l’ensemble des coûts du crédit (taux nominal proposé par la banque mais aussi assurance, frais de garantie…) n’excède pas le taux d’usure. Le problème, c’est que dans un contexte de hausse rapide des taux d’intérêt, la méthode de calcul de l’usure continue à tenir compte de ceux pratiqués le trimestre précédent… et fixe un plafond qui ne correspond plus à la réalité du marché.
Enquête
«Cela ne fait que créer des injustices»
«L’affaire est plutôt sérieuse, avertit Jérôme Cusanno. Notre crainte, c’est que tout l’écosystème de l’immobilier, toutes les professions et les salariés, soient impactés par ce problème de taux de l’usure si on n’y remédie pas rapidement.» Le professionnel de l’immobilier avance plusieurs solutions : modifier le mode de calcul du taux d’usure en augmentant de deux tiers plutôt que d’un seul ou encore mettre définitivement l’assurance emprunteur en dehors du calcul du Taeg. Auprès de Libération, le mois dernier, le président du courtier Cafpi, Olivier Lendrevie, estimait lui aussi que l’assurance emprunteur ne devrait plus être prise en compte. «Son coût est totalement déconnecté des mouvements de taux. Il ne dépend que du profil individuel de risque. Cela ne fait que créer des injustices en excluant des personnes de la propriété parce qu’elles sont plus âgées ou ont des soucis de santé», s’indignait-il.
D’après le sondage Opinion System, plus de la moitié des refus de prêt immobilier liés au taux d’usure concernerait les 30-55 ans (51%). Et il s’agit essentiellement de prêts pour l’achat d’une résidence principale (71%) qui sont rejetés à cause du taux d’usure. «Eviter à des gens de rester locataires alors que les loyers augmentent, c’est un enjeu de pouvoir d’achat», soulignait auprès de Libération Pierre Chapon, cofondateur de la société de courtage Pretto. Appelant lui aussi à des mesures rapides, notamment une révision du mode de calcul du taux d’usure, pour résoudre cette situation.
Mis à jour : mercredi 17 août à 10 heures en corrigeant une erreur de présentation des chiffres du sondage.