Méfiance patronale. La grande distribution ne voit pas d’un bon œil l’engagement pris par Emmanuel Macron, lors de sa visite chaotique au salon de l’Agriculture samedi 24 février, de créer des prix planchers pour assurer un revenu minimal aux agriculteurs. Ce mardi 27 février, le président du groupement Les Mousquetaires (Intermarché, Netto) Thierry Cotillard a répondu à l’annonce du président de la République, estimant sur France Inter qu’une telle mesure «va être un frein [pour la France] dans une compétitivité européenne».
Décryptage
Thierry Cotillard a déclaré qu’il avait «été un peu surpris de l’annonce». «La notion de prix plancher n’avait pas été évoquée avec les autres ministres, ni avec Gabriel Attal, ni avec le ministre de l’Agriculture». Selon le patron des Mousquetaires, élu à ce poste il y a un an, l’exécutif serait donc en pleine improvisation, alors qu’il faudrait «des décisions concrètes, immédiates». Or, «avant de mettre d’accord l’ensemble des acteurs européens sur ce sujet-là il va se passer quelque temps, voire quelques années et […] les agriculteurs ne peuvent plus attendre», a-t-il martelé, se disant plutôt favorable à «une loi Egalim qui aille plus loin sur la directivité et la transparence».
En effet, s’il se dit «très heureux d’exporter» en Europe des produits achetés aux producteurs à un prix minimum, il affirme laisser «les responsables agricoles s’exprimer sur le sujet» des prix planchers. Comprendre la FNSEA, qui s’est déjà positionnée… Contre la mesure. Sur TF1 samedi 24 février, un des vice-présidents de la FNSEA Luc Smessaert avait déclaré : «Le prix minimum on n’en veut pas, parce que sinon ça nous bloquerait le prix vers le bas et finalement nous ramènerait vers un Smic agricole». Arnaud Rousseau, le président du syndicat, avait lui demandé sur RTL le même jour «quelques éclairages», à un président dont il a jugé que le souhait n’était pas de «soviétiser l’économie», reprenant la formule du ministre de l’Agriculture Marc Fesneau.
Mission : sauver les centrales d’achats
Egalement soucieux de désamorcer les critiques qui ont suivi l’annonce par Bruno Le Maire de sanctions contre des centrales d’achat accusées de ne pas respecter la loi Egalim, Thierry Cotillard a fait valoir l’importance pour son groupe de ce type de structure. «Si on a la confirmation que c’est bien légal – et la lecture qu’on en a c’est que c’est légal – on devra y aller sinon il y aura trop d’écart de prix avec nos concurrents», a-t-il déclaré, même s’il assure que Les Mousquetaires/Intermarché achètent pour l’instant «tout en France».
Selon Thierry Cotillard, les centrales européennes «sont utiles pour peser sur l’inflation». Mais reconnaissant des abus vis-à-vis des producteurs, il a proposé «une charte» – non contraignante – avec les cinq dirigeants de la grande distribution pour «exclure de la centrale européenne tous les dossiers qui auraient une composante importante en produits agricoles». A l’écouter, «10 % des dossiers doivent quitter les centrales européennes pour protéger les revenus des agriculteurs».
Enfin, il a assuré que pour les 288 supermarchés et hypermarchés Casino repris par Intermarché, il n’est «pas prévu de réduire les effectifs». «Les acquis sociaux et les salaires sont bien maintenus pendant 15 mois et après il appartiendra à chaque gérant de mettre sa politique managériale en place», a-t-il ajouté.