Vu son émetteur, la suggestion peut surprendre. Le débat sur la fiscalité des riches et des profits générés par la crise énergétique a gagné mardi un défenseur de poids : l’économiste en chef de la Banque centrale européenne (BCE), Philip Lane, pas du tout opposé à l’idée de taxer les hauts revenus ou les superprofits pour financer les aides aux plus démunis face à l’inflation.
«Le choc énergétique que nous subissons est énorme. Ce sont les personnes les plus pauvres de la société qui en souffrent le plus», déplore l’économiste irlandais dans une interview accordée au journal autrichien Der Standard. «La grande question est de savoir si une partie de ce soutien doit être financée par des hausses d’impôts pour les mieux nantis», poursuit-il. Sa réponse : «Cela pourrait prendre la forme d’une hausse des impôts sur les hauts revenus ou sur les industries et les entreprises qui sont très rentables malgré le choc énergétique», estime cet influent membre du conseil des gouverneurs de l’institut monétaire.
Car, défend Philip Lane, «si vous aidez les personnes dans le besoin et que vous financez cela en augmentant les impôts, cela a moins d’effet sur l’inflation que si vous augmentez les déficits publics». Ce qui, pour le coup, n’est pas du goût de la BCE. Lane rejoint l’analyse de la Commission européenne. «Il n’est pas juste de réaliser des bénéfices extraordinaires grâce à la guerre et sur le dos des consommateurs. Les bénéfices doivent être partagés et redirigés vers ceux qui en ont le plus besoin», prévenait sa présidente, Ursula von der Leyen, dans son discours sur l’état de l’Union.
Le débat sur la fiscalité des plus aisés monte un peu partout, à mesure que la crise énergétique frappe les plus fragiles. Le gouvernement espagnol souhaite instaurer un impôt temporaire et exceptionnel pour les 1 % les plus riches afin de financer les mesures destinées à amortir l’impact de l’inflation.
En France, le gouvernement a fait le choix de boucliers tarifaires contre l’inflation dans le projet de loi de finances pour 2023 présenté lundi. Après avoir fait le malin en expliquant qu’il ne savait pas ce qu’était un superprofit, Bruno Le Maire ne veut pas entendre parler du mot «taxe». Il préfère la formule «contribution obligatoire» à propos du prélèvement décidé par l’Allemagne pour les entreprises ultra-bénéficiaires.