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Cinglant

Réforme des retraites : après le rapport de la Cour des comptes, les syndicats prennent le premier point mais sans union

Dans la foulée de la conclusion de la Cour des comptes ce jeudi 20 février, les leaders syndicaux dénoncent la lecture de la situation du système des retraites qu’a tenté d’imposer François Bayrou, tout en soulignant l’ampleur du déficit qui devrait perdurer malgré la réforme de 2023.
Sophie Binet (à gauche) et Marylise Leon (au centre) lors d'une réunion avec François Bayrou au ministère du Travail, le 17 janvier 2025. (Bertrand Guay/AFP)
publié le 20 février 2025 à 12h40

Les syndicats à l’unisson contre la version de la réforme des retraites qu’avait tenté d’imposer François Bayrou. Après la présentation ce jeudi 20 février au matin du rapport de la Cour des comptes qui écarte l’hypothèse d’un «déficit caché», les dirigeants des principaux syndicaux n’ont pas boudé leur plaisir. «Il n’existe aucun déficit caché», mais seulement «deux comptabilités différentes» de la contribution de l’État, a martelé le président de la juridiction administrative, Pierre Moscovici, rappelant toutefois que les régimes relevant du privé et du public ne sont «pas comparables».

Devant le ministère du Travail, Sophie Binet a célébré cette décision «rassurante» prise par la Cour des comptes, qui montre que «la France n’a pas basculé dans un régime de post-vérité». Il s’agit d’un «démenti cinglant aux chiffres farfelus retenus par le Premier ministre», a jugé la leadeuse de la CGT, avant l’ouverture la semaine prochaine du «conclave» sur les retraites voulu par François Bayrou.

La numéro un de la CFDT, Marylise Léon, s’est pour sa part réjouie de pourvoir passer «aux choses sérieuses», maintenant que «l’histoire du déficit caché est écartée». La patronne du syndicat majoritaire souhaite dorénavant se concentrer sur les «très fortes attentes des travailleurs» ; notamment par rapport «à l’âge légal, la reconnaissance des métiers pénibles et sur les questions d’inégalités entre les hommes et les femmes». «Il faut du sang froid quand il s’agit des retraites», a commenté Marylise Léon, face à la «perspective inquiétante» des 15 milliards d’euros de déficit à l’horizon 2035 établit par la Cour des comptes. Cette somme devrait même atteindre 30 milliards en 2045, si rien ne change

De quoi faire dire à la secrétaire générale du syndicat réformiste que la réforme «extrêmement injuste» de 2023, censée «résoudre tous les problèmes», était en fait «du pipeau». «Elle nous avait été présentée comme incontournable mais en réalité, elle ne produit absolument pas les effets qui étaient attendus», a-t-elle cinglé.

«Restaurer un petit peu de justice»

François Hommeril, président du syndicat des cadres CFE-CGC, s’est voulu plus rassurant : «Les problèmes ne sont pas insurmontables», à condition «de restaurer un petit peu de justice dans ce pays dans la façon dont on partage la valeur». «On a besoin de 7 milliards», une somme qui représente seulement «la moitié» des exonérations de la CVAE (cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises) «décidées il y a deux ans par le gouvernement», a-t-il rappelé.

Chez FO, Michel Beaugas a regretté que le rapport de la Cour des comptes n’aborde pas le chiffrage d’un retour à 62 ans. «Nous demandons l’abrogation de la réforme et donc il serait bon de savoir si effectivement ça coûterait si cher que ça», a-t-il pointé. Pour le secrétaire confédéral de Force Ouvrière, le rapport de la Cour des comptes démontre que «bouger la borne d’âge bénéficie tout de suite aux finances, mais dans cinq ans les bénéfices chutent. Cela veut dire que si on continue comme cela, il faudra redéplacer l’âge de deux ans tous les trois ans pour équilibrer le système». «A terme, vous risquez de ne plus avoir de retraité et cela ne coûtera plus grand-chose», a-t-il ironisé.

Seule voix dissonante devant le ministère du Travail, le président de la CPME, le deuxième mouvement patronal français, a pour sa part défendu une «indexation de l’âge de départ à la retraite sur l’espérance de vie». «C’est juste une question d’équilibre économie» ainsi qu’«une vision à long terme», a assuré Amir Reza-Tofighi. Le président de ce syndicat patronal a également de nouveau souhaité voir la question de la retraite par capitalisation remise sur la table. «Une retraite additionnelle qui permettra à chaque salarié de compléter ses revenus et d’avoir une retraite plus digne lors de son départ», a-t-il argué. Jeudi dernier, il avait lancé l’idée de travailler trois jours fériés par an afin d’épargner pour la retraite.

Une proposition sèchement balayée par Sophie Binet, qui ne veut pas voir «confier nos retraites aux fonds spéculatifs pour qu’ils puissent spéculer avec l’argent de nos retraites». «La capitalisation est aussi un coût pour les salariés et pour les employeurs», a pointé la secrétaire générale de la centrale de Montreuil. Pour elle, l’objectif est surtout d’«abroger» la réforme de 2023 dans un premier temps. Alors que l’idée d’un référendum a été relancée par Emmanuel Macron, la syndicaliste suggère de demander aux Français de trancher «sur la question des retraites». «Ils veulent l’abrogation de cette réforme injuste et violente pour pouvoir partir immédiatement à 62 ans et à moyen terme à 60 ans», a-t-elle affirmé.

Sur X, le patron du Medef, Patrick Martin, a réagi au rapport en prévenant que «revenir sur l’âge légal aurait des conséquences financières très lourdes». «Jouer avec les chiffres, c’est jouer avec l’économie, l’emploi, et le pouvoir d’achat des Français. Nous ne serons pas complices de ce jeu de dupes», a-t-il assuré. Le «conclave» n’a pas encore débuté, mais un compromis entre organisations syndicales et patronales semble encore loin.