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C'est cadeau

Retour de l’amendement Fifa dans le budget : mini-paradis fiscal en vue pour les fédérations sportives

La majorité a de nouveau intégré in extremis une disposition exonérant d’impôts les fédérations internationales sportives qui décideraient de s’implanter, à l’avenir, en France. Première ciblée : celle de football.
Le président de la FIFA Gianni Infantino, à gauche, s'entretient avec le président français Emmanuel Macron lors du sommet de l'ONU sur le climat COP28, vendredi 1er décembre 2023, à Dubaï, aux Émirats arabes unis. (Rafiq Maqbool/AP)
publié le 14 décembre 2023 à 15h37

Belote et rebelote. Comme le 18 octobre, lors du déclenchement du 49.3 sur la première partie du projet de loi de finances (PLF) pour 2024 en première lecture à l’Assemblée nationale, un amendement a été déposé à la dernière minute instaurant un régime fiscal particulièrement avantageux dans l’espoir d’attirer les fédérations sportives internationales en France. Cette disposition taillée sur mesure pour déloger de Suisse la richissime Fifa n’a jamais fait l’objet de la moindre discussion à l’Assemblée nationale, ni en commission des Finances ni dans l’hémicycle. Elle avait été supprimée par les sénateurs. Elle a été rétablie ce jeudi 14 décembre par la grâce du 21e 49.3 déclenché par la Première ministre sur la nouvelle lecture de la première partie du budget.

Cette fois, les macronistes ont davantage soigné les apparences. Ce n’est plus le député Renaissance Belkhir Belhaddad qui figure en premier signataire de l’amendement, ce député qui avait dans un premier temps déclaré ne pas être à l’origine de ces lignes et être opposé à leur contenu. Cet épisode avait semé le trouble dans la majorité et exaspéré les oppositions. C’est donc Mathieu Lefèvre, député Renaissance du Val-de-Marne, qui en est le premier et unique signataire. En revanche, comme il ne l’aurait pas déposé «à temps», assure-t-il, il n’a pas pu être examiné en commission des finances mercredi soir. Le président (LFI) de la commission des finances, Eric Coquerel, déplore que ce qu’il appelle un «amendement copinage avec les hautes instances du foot» n’ait pas été débattu en Commission : «Chacun sait qu’il n’y aurait pas de majorité sur cet amendement.»

Exonérations en pagaille

Le député Mathieu Lefèvre assume son contenu : «Si on veut une diplomatie sportive, il faut s’en donner les moyens. Aucune fédération ne viendra avec le cadre actuel. Nous sommes restés collés au cadre fiscal proposé pour les organisations internationales. Et cela ne concerne pas les activités lucratives.» Il n’avance aucun chiffre sur les éventuelles pertes de recettes : «C’est très difficile à calculer. La Fifa, c’est une cinquantaine d’employés. Mais d’autres fédérations pourraient venir, comme celle de cyclisme [actuellement en Suisse, ndlr].» Il balaie les interrogations sur la validité juridique de ce dispositif soulevées par les sénateurs : «Je suis assez serein sur le fait que ce ne sera pas remis en cause. C’est conforme à la doctrine, des exonérations de ce type étant déjà pratiquées» par l’administration fiscale, sans citer les fédérations concernées.

Le fond de l’amendement n’a, lui, pas changé. A l’heure où le gouvernement clame chercher à rétablir l’équilibre des comptes publics, il crée néanmoins un mini-paradis fiscal pour ces fédérations internationales. «Leurs missions de gouvernance du sport ou de promotion de la pratique du sport» se verront, pendant cinq ans, exonérées de l’impôt sur les sociétés, de la cotisation foncière des entreprises, et de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE). Et comme cela ne semblait pas suffire : les salariés de ces fédérations sportives internationales domiciliés en France pendant cinq ans auront, eux, une exonération d’impôt sur le revenu !

Pendant leurs débats, les sénateurs avaient voté la suppression de cet article, mettant en avant plusieurs arguments. Jean-François Husson, rapporteur (LR) du budget, avait alors souligné que «le caractère dérogatoire des exonérations bénéficiant aux institutions internationales est justifié par l’intérêt commun des Etats souverains qui décident de s’associer entre eux. Les fédérations sportives internationales ne réunissent pas des Etats, leur statut n’est pas réglé par des conventions internationales, et certaines d’entre elles poursuivent des objectifs de rentabilité sans aucun rapport avec l’intérêt général». Il s’inquiétait aussi de «la mise en place d’un régime fiscal particulièrement dérogatoire, pour des motifs qui ne relèvent pas de manière évidente de l’intérêt de la nation», qui serait «de nature à nuire au consentement à l’impôt». Le socialiste Jean-Jacques Lozach avait lui interrogé Amélie Oudéa-Castera, ministre des Sports, insistant sur le fait que certaines de ces fédérations «n’ont pas fait preuve d’une grande exemplarité ces dernières décennies en matière de transparence ou d’intégrité». C’est le moins qu’on puisse dire.