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Indécent

Les actionnaires de Stellantis valident le salaire mirobolant de Carlos Tavares

Les actionnaires du groupe automobile ont approuvé lors d’un vote, ce mardi 16 avril, la rémunération controversée (jusqu’à 36,5 millions d’euros) du patron du géant industriel. Leur avis est purement consultatif.
Carlos Tavares à Turin en Italie, le 10 avril 2024. (Massimo Pinca/Reuters)
publié le 16 avril 2024 à 11h44
(mis à jour le 16 avril 2024 à 15h49)

Pas moins de 36,5 millions d’euros. C’est la somme totale que pourrait toucher pour l’année 2023, Carlos Tavares, le patron de Stellantis, quatrième groupe automobile mondial. Ce mardi 16 avril, les actionnaires du géant industriel ont approuvé – sur le principe car leur vote est consultatif – la rémunération de ce dernier. Et la somme évoquée, colossale, fait d’ores et déjà polémique.

En déplacement ce lundi à l’usine de Trémery (Moselle), Carlos Tavares a assumé ces émoluments sans sourciller. Pour lui, il s’agit d’«une dimension contractuelle entre l’entreprise et [lui], comme pour un joueur de foot et un pilote de Formule 1», a-t-il justifié au micro de France Bleu Lorraine Nord. «90 % de mon salaire est fait par les résultats de l’entreprise, […] donc cela prouve que les résultats de l’entreprise ne sont apparemment pas trop mauvais. Si vous estimez que ce n’est pas acceptable, faites une loi et modifiez la loi et je la respecterai.»

Le directeur général s’était attiré les foudres d’Emmanuel Macron en 2022, qui avait jugé «choquant et excessif» le montant «astronomique» de sa rétribution. Mais Stellantis argumente qu’il faut plutôt comparer cette rémunération avec celles de multinationales comme Boeing aux Etats-Unis (Dave Calhoun, 33 millions de dollars pour 2023). Le groupe réalise en effet la majorité de ses ventes en Europe, mais tire l’essentiel de ses profits du marché américain.

Un salaire de 100 000 euros par jour

Le vote des actionnaires est purement consultatif, contrairement à ce qui se serait passé si le siège social de la société Stellantis était situé en France (il se situe aux Pays-Bas). Pour l’exercice 2021, les actionnaires avaient rejeté la rémunération de Carlos Tavares avant de la valider pour 2022, à près de 80%.

Cette année, plusieurs sociétés de conseil aux investisseurs ont recommandé de voter contre, dont l’agence américaine Glass Lewis qui a émis «de sérieuses réserves». Même position à l’agence Proxinvest. Au sein des dirigeants du CAC40, «la médiane est à cinq millions» d’euros de rémunération, et aux Etats-Unis celle-ci atteint 15 millions, a remarqué son directeur général Charles Pinel sur BFM Business lundi, en interpellant Tavares. «Faites attention, vous êtes responsable de la cohésion au sein de votre société» et même plus largement «du système capitaliste», a-t-il martelé.

La CGT Stellantis a quant à elle décrié un salaire «totalement choquant et scandaleux» équivalant à 100 000 euros par jour, «une augmentation de près de 50%, quand la plupart d’entre nous ont eu seulement 3,7%, et galèrent pour finir le mois».

«A l’américaine»

La rémunération de Carlos Tavares, 65 ans, intègre des pensions de retraite qui seront versées sur le long terme, mais aussi des bonus attribués seulement s’il est au rendez-vous d’objectifs fixés pour 2025, dernière année de son mandat actuel à la tête du constructeur. La hausse potentielle pour cette année 2024 est notamment liée au versement d’une prime de 10 millions d’euros pour la «transformation» du groupe créé en 2021 avec la fusion de PSA et de Fiat-Chrysler.

Au titre de l’exercice 2023, le patron touchera dans un premier temps 23,5 millions d’euros. Versée en grande partie en actions, cette rémunération augmente aussi avec la valeur du titre du groupe, qui a quasiment doublé depuis trois ans. Avec ses 14 marques dont Peugeot, Citroën, Fiat, Dodge et Opel, Stellantis a publié le 15 février un nouveau bénéfice record de 18,6 milliards d’euros pour 2023, en hausse de 11% sur un an. Son chiffre d’affaires s’approche des 190 milliards d’euros.

Le directeur général de la banque publique d’investissement, Nicolas Dufourcq, a indiqué fin mars qu’il «s’abstiendrait sur ces questions de rémunération», alors qu’«on est arrivé à des niveaux qui sont effectivement à l’américaine, pour un groupe qui est essentiellement américain, mais qui peuvent en effet ne pas être tout à fait compris en Europe».

Le géant automobile a indiqué le 15 février qu’il allait redistribuer près de 1,9 milliard d’euros à ses salariés dans le monde. En France, cela représente un minimum de 4 100 euros pour les plus bas salaires. Les actionnaires du groupe recevront autour de 7,7 milliards d’euros pour l’exercice 2023, entre les dividendes et un programme de rachat d’actions.

Mis à jour à 15h49 : avec le vote positif des actionnaires.