L’annonce est inattendue, s’agissant d’un acteur n’ayant pas souffert de la crise économique liée au Covid-19. Elle surprend d’autant plus par son ampleur. SFR, filiale du groupe Altice de Patrick Drahi (ex-propriétaire de Libération), envisage de procéder à des départs volontaires, jusqu’à 1 700 en 2021. L’opérateur de télécommunications précise que cette réorganisation, qui s’inscrit dans un projet stratégique nommé «Transformation et ambitions 2025», se fera «exclusivement sur la base du volontariat». Les filiales concernées par le plan emploient environ 10 000 salariés. La coupe concerne 17% des effectifs. Radicale, donc. Et «incompréhensible», pour les élus CFDT de SFR, qui évoquent des «orientations stratégiques apocalyptiques» dans un tract.
#SFR #Altice prévoit la suppression de 1700 emplois dont 400 dans les boutiques #SFRDistribution annonce faite quelques jours après la publication par #Altice les excellents résultats 2020 ! pic.twitter.com/0L82gWpldv
— CFDT UES SFR (@CFDT_SFR) March 3, 2021
Dans le détail, l’entreprise prévoit 400 suppressions de postes dans sa partie distribution, c’est-à-dire son réseau de boutiques, et 1 300 dans ses autres activités. «La responsabilité d’Altice France-SFR est aujourd’hui de continuer de s’adapter pour répondre aux exigences croissantes et accélérées des consommateurs et des organisations en matière de numérique», justifie le directeur général de SFR, Grégory Rabuel. L’augmentation des ventes en ligne, au détriment de la fréquentation des magasins physiques, et l’évolution des métiers des opérateurs télécoms, de plus en plus tirés vers l’intelligence artificielle et l’analyse de données, sont les arguments avancés pour expliquer la restructuration.
Déjà 5 000 départs en 2017
Pour répondre à cette exigence, et mieux faire passer la pilule sociale, la société s’engage à recruter dans les quatre prochaines années «1 000 jeunes diplômés», «sur les nouveaux métiers qualifiés du numérique». Quelque 1 700 départs en une année, contre 1 000 arrivées sur quatre ans : le calcul est vite fait, SFR va faire de grosses économies à très court terme. La société de Patrick Drahi, réputée pour sa constance à chasser les coûts, assure aussi qu’elle va embaucher 1 000 apprentis par an et lancer un plan de formation à destination de l’ensemble des salariés.
La boîte a pourtant traversé 2020 en douceur. La filiale française d’Altice a bouclé l’année sur un chiffre d’affaires de 10,9 milliards d’euros, en progression de 1,5%. L’excédent brut d’exploitation progresse dans la même mesure, pour s’établir à 4,3 milliards d’euros… Sa base d’abonnés – 6,5 millions de clients dans l’Internet fixe et 14,7 millions dans le mobile – a augmenté à chaque trimestre sur les deux indicateurs. Toute l’année, Patrick Drahi s’est félicité d’avoir su maintenir la «croissance». C’est dire si l’annonce du jour étonne, sauf à se souvenir que le propriétaire d’Altice n’est pas du genre à faire dans la dentelle en matière sociale. En 2017, il avait déjà chamboulé la structure de SFR avec un plan de 5 000 départs volontaires. «Dans le contexte actuel, aucune organisation ne peut être statique. L’objectif, c’est d’opérer aujourd’hui une transformation nécessaire, pour ne pas avoir à la subir violemment plus tard», explique encore Grégory Rabuel dans les Echos.
Déploiement de la fibre optique et de la 5G
La nouvelle intervient dans un contexte de grandes manœuvres pour SFR. Engagé dans les onéreux chantiers de déploiement de la fibre optique et de la 5G, le deuxième opérateur de France (derrière Orange) a récemment décidé de vendre sa participation majoritaire dans Hivory, la société qui détient son réseau d’antennes mobiles, pour près de 3 milliards d’euros. Soit, à peu près, la somme qu’a dû débourser Patrick Drahi en janvier pour racheter le solde du capital qui lui manquait encore dans Altice Europe, la holding à laquelle SFR est rattachée. En conséquence, cette entité est sortie de la bourse. Ces changements annoncent-ils une vente de l’ensemble par le milliardaire, très actif sur le marché américain, dont il s’est enamouré avec sa société Altice USA ? «Non ! assure Grégory Rabuel dans les Echos. Patrick Drahi, notre actionnaire à 100%, nous soutient très fortement, personnellement, financièrement et quotidiennement.»