Pour contester une loi qui prévoit d’affaiblir le droit de grève, des travailleurs de l’aérien avaient débrayé lundi. Quatre jours plus tard, des députés des quatre groupes de gauche à l’Assemblée (LFI, PS, écologiste, communiste) saisissent ce vendredi 24 novembre le Conseil constitutionnel contre la loi réorganisant les services de navigation aérienne en cas de mouvement social, mais qui vient «entraver [le] droit de grève» constitutionnel des contrôleurs aériens, selon les requérants. Autre grief : les élus estiment dans leur saisine que la loi aurait dû préciser un délai maximum de conservation des déclarations de grève mises en place, qui «peuvent permettre» de «cibler les agents en fonction de leur propension à participer» à des mouvements sociaux.
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A l’exception notable du principal syndicat de contrôleurs aériens (le SNCTA), l’ensemble des organisations salariales du ciel – l’Unsa, la CGT, la CFDT et FO – avaient appelé leurs collègues à cesser le travail lundi 20 novembre. Ils protestaient contre l’adoption, la semaine dernière, d’une proposition de loi qui les contraindra bientôt à se déclarer individuellement grévistes ou non, 48 heures à l’avance, comme c’est déjà le cas à la RATP ou à la SNCF. Actuellement, chez les aiguilleurs du ciel, les syndicats doivent déposer tout préavis de grève cinq jours avant un mouvement, mais les grévistes n’ont pas à déclarer leur participation individuelle.
Les aéroports de Tarbes-Lourdes-Pyrénées (Hautes-Pyrénées, sud-ouest) et de Pau-Pyrénées (Pyrénées-Atlantiques, sud-ouest), ainsi que celui de Saint-Yan (Saône-et-Loire, est) ont été privés de services de la circulation aérienne et ne fonctionnaient donc pas lundi. D’autres installations de plus grande envergure ont subi des retards importants au départ ou à l’arrivée, selon la DGAC. Après avoir culminé par endroits à plus d’une heure et demie en fin de matinée, les délais au décollage atteignaient en moyenne 58 minutes à Lille-Lesquin, 46 à Montpellier et 37 à Paris-Orly en milieu d’après-midi.
«Instrumentalisation et usage déraisonné du droit de grève»
Selon les promoteurs du texte, le sénateur Vincent Capo-Canellas (Union centriste, à l’initiative du texte) et le député Damien Adam (Renaissance), cette nouvelle loi permettra la mise en place «d’un service minimum adapté» chez les contrôleurs aériens. Précisément, l’article unique de la proposition de loi impose aux grévistes de prévenir de leur participation à un mouvement social «au plus tard à midi l’avant-veille de chaque journée de grève».
Adoptée en juin au Sénat et votée mercredi soir à l’Assemblée avec 85 voix contre 30, cette initiative parlementaire a fait son chemin avec la bénédiction du gouvernement. Plutôt qu’une régression sur un droit constitutionnel, le ministre des Transports, Clément Beaune, y a vu un texte «protecteur et d’équilibre» qui mettra fin «à un système asymétrique» à l’origine d’une «désorganisation du service public». Après le vote, le député macroniste Damien Adam a fanfaronné sur X : «Les annulations d’avion à la dernière minute, c’est terminé.»
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Dans un communiqué publié mardi, le syndicat national des contrôleurs du trafic aérien (SNCTA), premier syndicat du secteur, qui n’a pas appelé à la grève, s’est lui aussi exprimé en faveur du texte, alertant sur une «instrumentalisation du droit de grève et son usage déraisonné» dans certaines circonstances. En septembre, il s’était aussi engagé à respecter une «trêve olympique», c’est-à-dire à ne pas appeler à la grève d’ici à la fin des Jeux olympiques et paralympiques prévus en France pendant l’été 2024.
Mais pour tous les autres syndicats, cette loi est une ligne rouge. Dans un communiqué commun publié mercredi, Unsa, CGT, CFDT et FO estiment que «l’objectif affiché [de ce texte] est de réduire encore et encore l’impact d’une grève». Pour eux, c’est le droit de grève «individuel et constitutionnel», «qui a permis collectivement [aux contrôleurs aériens] de fonder, consolider et [de] préserver [leurs] statuts» qui est «mis à mal aujourd’hui». Et de mettre en garde : «Si nous ne réagissons pas, l’administration aura à sa disposition un double mécanisme inédit qui nous affaiblira considérablement lors des futures négociations.» A l’Assemblée nationale, les élus de gauche, comme la députée écologiste Lisa Belluco, leur ont emboîté le pas. Pour elle, la proposition de loi est «une menace pour le droit de grève».
Mise à jour : vendredi 24 novembre à 17 h 24, avec la saisie du Conseil constitutionnel par les groupes de gauche.