Un «job dating» comme en organise souvent Pôle Emploi. Mardi matin, dans l’agence du 27, rue Daviel, dans le XIIIe arrondissement de Paris, était organisée une opération visant à mettre en relation demandeurs d’emploi et recruteurs du secteur de la restauration. Et ce sous les yeux de la ministre du Travail, Elisabeth Borne, venue sur place pour assister à ces entretiens express, avant de participer à une table ronde autour des difficultés de certains secteurs à recruter, notamment dans l’hôtellerie-restauration.
Sur les lieux, trois stands : celui du célèbre café de Flore, du café Louise et du café culturel les Jardins Cantini, dont l’ouverture près du marché d’Aligre (XIIe arrondissement) est imminente. Mais, à quelques jours de l’échéance, Stéphane Yves, à la tête de ce nouvel établissement parisien, peine à trouver des employés qualifiés. Il s’est inscrit sur la plateforme Pôle Emploi en tant que recruteur, mais là encore, «c’est un échec». Aucun candidat n’a retenu son attention jusqu’à aujourd’hui. «Je cherche un chef cuisinier, pourquoi Pôle Emploi ne me présente que des commis de cuisine ou des serveurs ?» regrette-t-il. En écho, la ministre du Travail est venue avec un message : elle demande à l’organisme de «se mobiliser pour identifier et former les demandeurs d’emploi prêts à travailler rapidement dans les secteurs qui recrutent».
Une reprise en demi-teinte
Lors de son tour des recruteurs, la ministre a aussi voulu mettre en avant un chiffre issu d’une étude de l’Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales (Urssaf) publiée lundi : «785 000 recrutements ont été dénombrés en mai, pour une baisse du nombre de demandeurs d’emploi sans activité de 135 000.» Preuve, selon elle, que la reprise économique est extrêmement dynamique. «Un record depuis 2006», s’est-elle félicitée.
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Mais elle n’est pas la seule à avoir un message à faire passer : Franck Delvau, le président de l’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie d’Ile-de-France (Umih), a, lui, profité de l’occasion pour souligner la grande disparité de la reprise de l’emploi dans le secteur, notamment selon les régions et les quartiers. «Il ne faut pas oublier que nous avons perdu 33 millions de touristes en Ile-de-France en 2020, et que nous sommes sur le point d’en perdre près de 28 millions cette année», déplore-t-il. Une reprise en demi-teinte, donc. «Les Français qui partiront en France cet été comme l’a conseillé l’exécutif déserteront la capitale, dont de nombreux quartiers d’affaires n’ont toujours pas retrouvé leur dynamique à cause du télétravail et de l’absence de séminaires et du tourisme d’affaires», ajoute-t-il, soucieux.
Rendre la branche plus attractive
Pour le directeur du département Analyse et prévision de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), Eric Heyer, il est trop tôt pour tirer des conclusions sur la seule base du nombre de recrutements sur un mois. «En temps normal, chaque mois des entreprises licencient et d’autres embauchent, explique l’économiste à Libération. Fin avril, 2,7 millions de salariés étaient encore en activité partielle, ce qui signifie que beaucoup de personnes qui auraient été licenciées sont maintenues en poste grâce aux aides de l’Etat.» Selon lui, il est donc naturel qu’il y ait des pénuries de candidats dans certains secteurs, car beaucoup sont encore au chômage partiel au lieu d’être de potentiels demandeurs d’emploi. La seule solution serait donc d’augmenter les salaires pour rendre la branche de l’hôtellerie-restauration plus attractive.
L’économiste estime que, pour le marché de l’emploi, la crise est loin d’être terminée. Il pointe notamment les «pénuries de matières premières qui s’apprêtent à mettre sur pause tout le secteur de la construction, qui sera mis en activité partielle le temps d’un retour à la normale». Et d’ajouter : «Nous pourrons estimer la dynamique de la reprise seulement lorsque le “quoiqu’il en coûte” prendra fin.»