C’est un vote sans conséquence concrète, mais qui ne manque pas de portée politique. Les députés ont adopté, ce jeudi 5 juin, une proposition de résolution portée par le député communiste Stéphane Peu (groupe Gauche démocrate et républicaine) visant à abroger la réforme des retraites de 2023. L’initiative a récolté 198 voix pour et seulement 35 contre, sur un total de 233 votants. Un écart qui s’explique par le fait que les bancs de la gauche étaient remplis, tandis que les députés du «bloc central», opposés à cette résolution, étaient très peu présents.
En pleine journée de mobilisation «pour les retraites, les emplois, et les salaires», chapeautée par la CGT, et alors qu’une concertation lancée par François Bayrou (sous le nom de «conclave»), où siègent encore trois syndicats, entre dans sa phase finale, les communistes invitaient l’hémicycle à «affirmer l’impérieuse nécessité» d’aboutir à l’abrogation du texte. Affirmer seulement, car c’est une proposition de résolution, et non une proposition de loi, qui a été soumise au vote. Prudent, le groupe Gauche démocrate et républicaine l’avait placée en première position dans sa niche parlementaire.
Interview
C’est donc la première fois que les députés ont pu se prononcer sur la réforme des retraites, adoptée par 49.3 au printemps 2023, dans l’hémicycle. En plus de l’allongement de l’âge légal de départ de 62 à 64 ans, la réforme d’Elisabeth Borne portera à 43 ans, en 2027, la durée de cotisation pour bénéficier d’une retraite à taux plein, pour les générations nées en 1965.
A l’époque, après que le gouvernement avait engagé sa responsabilité sur le texte, la principale motion de censure «transpartisane» déposée par le groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires, avait finalement été rejetée, à neuf voix près.
Le «socle commun» fait barrage
Depuis, toutes les tentatives de remise aux voix du texte ont échoué. Fin 2024, le Rassemblement national a tenté l’expérience d’aller au vote avec un texte vidé de sa substance, en vain. La France insoumise a ensuite essayé de faire abroger la réforme en novembre, mais leur texte, qui visait à remettre l’âge légal de départ à 62 ans, a été victime de l’obstruction parlementaire du «socle commun» centre-droite, et n’a pas pu être voté dans les temps. Lors de l’examen de la proposition de loi insoumise, les députés du bloc central ont utilisé tous les outils à leur disposition pour bloquer le débat, en multipliant les amendements et les suspensions de séance.
Une obstruction impossible avec cette proposition de résolution dénuée de valeur législative, et donc impossible à amender. Ce qui n’a pas empêché les habituelles frictions avant le vote. «Personne n’oublie la souffrance infligée à la démocratie», a lâché Mathilde Panot (LFI), devant les sièges quasiment vides du «socle commun». François Ruffin, du groupe Ecologiste et social, lui a emboîté le pas en affirmant que la réforme, faute de tenir compte de la pénibilité, «allait contre les caissières et les infirmiers, jamais contre les banquiers et les actionnaires».
Si le Rassemblement national a, comme prévu, suivi la gauche en votant en faveur de la proposition de résolution, Théo Bernhardt (RN) s’est empressé de glisser «aux Français» qu’ils pourront «compter sur Marine Le Pen et Jordan Bardella pour véritablement abroger» la réforme de 2023. Les bancs de leur groupe étaient pourtant peu occupés lors du vote, avec seulement 41 députés présents sur 123. Pendant la campagne des législatives de juin 2024, le président du RN se montrait flou quant au projet du parti d’extrême droite sur le sujet des retraites.
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En obtenant ce signal de l’hémicycle, les communistes entendaient «signifier au gouvernement l’attachement de la représentation nationale au respect des règles démocratiques inscrites dans notre Constitution». Car si la proposition de résolution n’a pas de valeur législative, Stéphane Peu estime que «le gouvernement doit tenir compte du vote de l’Assemblée». Le chef de file GDR laisse désormais deux options à l’exécutif : l’abrogation des décrets d’application qui reculent l’âge de départ et allongent la durée de cotisation, ou l’organisation d’un référendum citoyen. Dans le cas contraire, «une motion de censure sera déposée», a-t-il expliqué.
«C’est un mensonge de laisser croire aux Français qu’on peut revenir sur l’âge de départ, le débat a été tranché il y a deux ans», rétorque de son côté Thibault Bazin (Droite Républicaine) qui assimile ces résultats à du «vent».
Au cours de son intervention au perchoir, la ministre du Travail, Astrid Panosyan-Bouvet, a, quant à elle, estimé qu’une adoption de cette résolution reviendrait à voter «une motion de défiance» contre les syndicats (CFDT, CFE-CGC, CFTC) qui siègent encore au sein du «conclave». La voix camouflée par les bancs de la gauche, elle a soutenu que le «résultat de ce vote ne pourra pas être opposé à celui de mars 2023».
Mise à jour : à 10h36, avec l’ajout du résultat du vote.
Mise à jour : 14h30, avec l’ajout des positionnements des groupes.