En février, le Monde diplomatique publie un texte de l’écrivaine Annie Ernaux intitulé Relever la tête. Le prix Nobel de littérature 2022 y retrace ses souvenirs du mouvement social de 1995 contre le plan Juppé réformant les retraites. Elle évoque aussi le sociologue Pierre Bourdieu, qui avait pris fait et cause pour les grévistes : «L’engagement politique de Bourdieu dans la grève a eu pour moi valeur d’obligation, en tant qu’écrivaine, de ne pas rester spectatrice de la vie publique. Voir ce sociologue, internationalement reconnu, s’impliquer dans le conflit social, l’entendre, était une immense joie, une libération.»
Quand Damien Iozzia, agent de maîtrise et secrétaire du syndicat UFCM-CGT (qui représente les cheminots cadres et agents de maîtrise) à la gare Montparnasse, a lu ce texte, il y a vu «une invitation à inviter Annie Ernaux». Il a contacté les éditions Gallimard pour lui proposer à l’autrice de venir échanger avec des salariés mobilisés à la SNCF, mais aussi une salariée de l’énergie. En ce 14 mars, veille d’une huitième journée de mobilisation contre la réforme des retraites d’Emmanuel Macron reportant l’âge légal de départ à 64 ans, l’écrivaine s’installe donc dans une petite salle syndicale de la gare Vaugirard, à deux pas de la gare Montparnasse. Le local vibre de temps à autre au passage des trains. Elle est accompagnée de proches – les so