Cibles récurrentes d’attaques médiatiques et politiques, les fonctionnaires sont au cœur d’une des revues de dépenses portées à la connaissance du public cette semaine avec la transmission par Bercy d’une masse de documents budgétaires aux présidents et rapporteurs des commissions des finances de l’Assemblée nationale et du Sénat. Il est question dans ce cas précis des absences des agents publics pour raison de santé, qui donnent lieu à des arrêts dont le premier jour (dit «de carence») n’est pas rémunéré. Dans sa lettre de mission datée du 22 février, le désormais ex-Premier ministre Gabriel Attal chargeait l’Inspection générale des finances (IGF) et celle des affaires sociales (Igas) de formuler des propositions pour «réduire l’absentéisme dans son ensemble, avec un accent particulier sur les absences de courte durée».
Le gouvernement s’alarmait notamment du fait que «les absences pour raisons de santé dans la fonction publique demeurent supérieures aux niveaux constatés dans le secteur privé», tant concernant la part des effectifs concernés par un arrêt d’au moins un jour dans une semaine donnée (7 % des agents, contre 5 % des salariés du privé), que pour la durée moyenne d’absence dans l’année (14,5 jours dans le public, contre 11,7 dans le privé). Des données portant sur 2022, année d’un plus haut historique, avec un coût global estimé à 15 milliards d’euros. Certes, le public comme le privé ont tous deux connu une explosion des arrêts causée par la crise sanitaire du Covid-19, survenue en 2020, mais 2022 «marque un décrochage entre les secteurs public et privé», constatent l’IFG et l’Igas dans leur revue de dépenses, rendue en juillet. Elles y répondent en explorant des pistes qui promettent, si le futur gouvernement les reprend, de provoquer une forte réaction syndicale.
Le jour de carence décourage des malades de s’arrêter
Le levier le plus polémique est celui des jours de carence. En 2018, le gouvernement d’Edouard Philippe a réintroduit un jour de carence dans la fonction publique, privant ainsi les fonctionnaires de rémunération le premier jour d’un arrêt maladie. La mesure avait d’abord été mise en place par la droite en 2012, puis annulée par les socialistes en 2014. Comme le relevait récemment l’Insee, rien ne dit que ce jour de carence permette de lutter effectivement contre des «abus», mais il fait reculer le nombre d’arrêts en décourageant des malades de s’arrêter. Et génère de substantielles économies : 134 millions d’euros en 2023. Aussi un passage à deux jours de carence permettrait-il d’économiser 174 millions d’euros supplémentaires sur l’ensemble de la fonction publique, quand trois jours de carence – comme c’est le cas dans le secteur privé – permettraient de viser 289 millions, selon l’IGF et l’Igas.
Autre possibilité étudiée, très polémique elle aussi : ne plus rémunérer les jours d’arrêt indemnisés à hauteur de 100 % du traitement, mais à 90 %, comme dans le privé – à la différence près que dans le privé, 70 % des salariés bénéficient d’un maintien de salaire intégral car leur employeur met au bout, rappelle le document. Près de 300 millions d’euros pourraient ainsi être économisés.
«Une politique de prévention plus volontariste»
Ces mesures seraient pourtant loin d’avoir le même impact qu’un retour à la situation d’avant Covid, avec moins de personnes malades, qui représenterait six milliards d’euros d’économies. Or, si l’IGF et l’Igas ne disposaient pas de données définitives sur les arrêts maladie pour 2023, leur revue de dépenses souligne tout de même que ceux-ci semblaient marquer un net recul cette année-là, leur hausse par rapport à l’avant-Covid se résorbant de l’ordre de 30 % dans la fonction publique d’Etat, et même 75 % dans l’hospitalière.
Par ailleurs, si l’IGF et l’Igas ont calculé les effets d’un passage à deux ou trois jours, notamment car le gouvernement souhaitait explorer cette piste, les préconisations qu’elles formulent portent davantage sur des ajustements administratifs dans la transmission des informations et dans l’évaluation des absences. Mais aussi, et surtout, sur une amélioration de la santé au travail des agents publics, «qui implique une politique de prévention plus volontariste et un accompagnement renforcé des parcours professionnels».
Réagissant dans un communiqué publié ce jeudi à cette revue de dépenses, le syndicat FO de la Fonction publique a dénoncé «un énième rapport qui stigmatise». Le syndicat, très implanté chez les agents publics, affirme que «si les fonctionnaires sont parfois en arrêt maladie, c’est avant tout de la responsabilité de l’employeur public et notamment de l’Etat employeur». Et cite, ce qui va dans le sens de l’étude, «les suppressions de postes subies depuis des années, les restructurations permanentes, l’affaiblissement pour ne pas dire la suppression de la médecine de prévention, la surcharge de travail, et le manque de moyens matériels».