Les deux négociations étaient intimement liées. En trouvant un accord pour l’emploi des seniors, le patronat et une partie des syndicats (CFDT, FO, CFTC) ont aussi trouvé, en novembre, un débouché à leurs discussions sur les nouvelles règles de l’assurance chômage. Une fois l’accord agréé par le gouvernement, il a fallu encore trois mois à France Travail pour mouliner ces nouvelles règles, qui entrent donc en vigueur ce mardi 1er avril. Les voici, avec quelques changements par rapport à ce qui avait initialement été conclu.
Un sévère recul pour les seniors
C’est une conséquence directe de la réforme des retraites promulguée en 2023, qui reporte l’âge légal de départ à 64 ans. Jusqu’à maintenant, les demandeurs d’emploi de plus de 53 ans bénéficiaient d’une durée d’indemnisation rallongée par rapport aux 18 mois de droit commun. Ainsi, s’ils avaient 53 ou 54 ans, ils pouvaient percevoir une allocation chômage pendant 22,5 mois ; s’ils avaient 55 ans ou plus, pendant 27 mois. Avec le décalage de deux ans de l’âge de départ en retraite, les règles d’entrée dans ce que l’on appelle la «filière seniors» se décalent aussi de deux ans. Il faudra donc avoir 55 ou 56 ans pour percevoir le chômage durant 22,5 mois et 57 ans ou plus pour le percevoir 27 mois. Ces durées, qui ne s’appliquent pas aux allocataires résidant en outre-mer pour qui les règles ne bougent pas, tiennent compte de l’application du principe de «contracyclicité», entré en vigueur en février 2023. Ce qui signifie que si le taux de chômage (actuellement de 7,3 %) atteignait à nouveau la barre des 9 %, elles passeraient respectivement à 30 et 36 mois.
Un autre dispositif prévoyait qu’à compter de 62 ans (l’âge légal de départ en vigueur jusqu’à la réforme), un demandeur d’emploi en fin de droits puisse continuer de toucher son allocation jusqu’à avoir atteint l’âge du taux plein. De la même manière, l’âge minimal pour en bénéficier est décalé de deux ans, donc à 64 ans.
Les frontaliers mis à contribution
En leur redonnant la main, la ministre du Travail, Astrid Panosyan-Bouvet, avait demandé aux acteurs sociaux de dégager 400 millions d’euros d’économies supplémentaires en 2025. Une bonne partie (260 millions) devait provenir de mesures ciblant les travailleurs frontaliers. En effet, lorsqu’ils perdent leur emploi, leur allocation est calculée sur la base de leur salaire perçu à l’étranger. Or dans des pays comme la Suisse ou le Luxembourg, le salaire moyen représente près du double du salaire moyen français. Si un règlement européen et des conventions bilatérales prévoient que les Etats concernés indemnisent l’assurance chômage française, la compensation est loin de combler le manque à gagner pour le régime, de l’ordre de 800 millions d’euros par an.
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Ainsi, les signataires avaient prévu dans leur accord l’application d’un coefficient proportionnel à la différence entre le salaire moyen de l’Etat d’emploi et le salaire moyen français. Cela devait mécaniquement réduire le montant de l’allocation versée, de l’ordre de 40 % par exemple pour ceux qui ont travaillé en Suisse. Mais cette mesure a ensuite été écartée par le gouvernement, en raison de son inconstitutionnalité. Comme l’avait en effet signalé l’Unédic dans une note transmise aux acteurs sociaux durant la négociation, «les risques juridiques d’une telle évolution sont élevés, au regard du droit national, mais surtout au regard du droit européen», en raison d’une rupture d’égalité entre indemnisés.
Le gouvernement a en revanche adopté une mesure redéfinissant «l’offre raisonnable d’emploi» (ORE) pour les frontaliers, la règle étant que deux refus d’une ORE font courir le risque de perdre son indemnisation. Depuis le 22 mars, l’ORE est basée sur le salaire habituellement pratiqué en France, et non plus à l’étranger.
Une mensualisation de l’allocation coûteuse pour les demandeurs d’emploi de longue durée
Au lieu d’être versée par rapport au nombre réel de jours dans un mois, l’allocation est désormais versée «sur la base de 30 jours calendaires, quel que soit le mois concerné», selon les termes de l’accord. La mesure doit générer près de 240 millions d’euros d’économies par an pour le régime, mais fera perdre cinq jours d’allocation (voire six les années bissextiles) à un demandeur d’emploi inscrit durant toute une année à France Travail.
Des assouplissements à la marge pour certains publics
Les rares progrès contenus dans l’accord sont assez spécifiques. Ils concernent avant tout les travailleurs saisonniers, pour qui la durée de travail nécessaire à l’ouverture de droits est réduite à 5 mois au lieu de 6 au cours des 24 derniers mois. L’accord prévoit la même chose pour les primo-inscrits, mais il faudra pour cela que le gouvernement procède à une modification législative.
Autre mesure à leur destination : une atténuation des effets du nouveau mode de calcul du salaire journalier de référence entré en vigueur en 2021, qui a considérablement fait baisser le montant des allocations versées à ces publics.
Par ailleurs, le principe de dégressivité qui s’applique aux demandeurs d’emploi qui percevaient un haut revenu ne concernera plus que ceux ayant moins de 55 ans, contre 57 ans auparavant.
Pour finir, l’allocataire qui a repris un travail depuis moins de quatre mois, et non plus trois mois, pourra être à nouveau indemnisé s’il démissionne. Enfin, les anciens détenus ayant travaillé au titre d’un contrat d’emploi pénitentiaire, qui n’étaient pas indemnisés jusqu’à présent, pourront l’être désormais.
Article initialement publié le 15 novembre 2024, mis à jour le 1er avril 2025.