Menu
Libération
Durcissement

Assurance chômage : le cadre des futures règles adopté par l’Assemblée

Le projet de loi qui définit le cadre des prochaines dispositions pour l’indemnisation des demandeurs d’emploi est passé, en première lecture, grâce à la bienveillance des députés de droite. Il entérine notamment la fin des allocations en cas d’abandon de poste.
Le ministre du Travail Olivier Dussopt, porteur de la controversée réforme de l'assurance chômage, le 3 octobre à l'Assemblée. (Ludovic Marin/AFP)
publié le 11 octobre 2022 à 18h57

Sans grande difficulté, le premier texte de cette session ordinaire au Parlement passe le cap de la première lecture à l’Assemblée nationale. Le projet de loi baptisé «mesures d’urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein-emploi», qui contient le cadre des futures règles de l’assurance chômage, a été adopté par 303 voix pour et 269 voix contre.

Dans l’immédiat, l’adoption de ce texte ne modifie en rien les règles d’indemnisation actuelles, qui sont entrées en vigueur il y a un an après plusieurs reports et une longue bataille juridique menée par les organisations de salariés. Au contraire, il prévoit qu’elles soient prolongées à compter du 1er novembre. Mais, ce faisant, il prolonge aussi la mainmise du gouvernement sur les paramètres du régime, jusqu’au 31 décembre 2023. Ce qui lui donne tout loisir d’exécuter par décret l’idée formulée en ces termes par Emmanuel Macron durant l’été : «Quand ça va bien, on durcit les règles, et quand ça va mal, on les assouplit.»

Changement radical de paradigme

Pour faire bonne figure, une «concertation» avec les organisations syndicales et patronales doit tout de même débuter la semaine prochaine, afin d’objectiver les critères qui permettront de dire que «ça va bien» ou que «ça va mal», mais aussi de fixer plus concrètement les leviers sur lesquels jouera la modulation : le gouvernement ayant exclu de remettre à nouveau en cause le montant de l’allocation (qui est déjà affecté par la réforme de l’année dernière), il s’agira selon lui de se pencher sur les critères d’éligibilité (il faut actuellement avoir travaillé 6 mois sur une période de 24 mois) ou la durée d’indemnisation.

Mais ce n’est pas tout. Après son adoption par l’Assemblée, le projet de loi va prendre la direction du Sénat, enrichi d’une nouvelle disposition qui a suscité beaucoup de débats : désormais, et sauf à ce que les sénateurs reviennent dessus ou qu’un recours devant le Conseil constitutionnel en décide autrement, un salarié qui abandonnera son poste sera «présumé» démissionnaire. Un changement radical de paradigme car aujourd’hui, l’abandon de poste est un motif de licenciement pour faute grave, qui ouvre donc des droits au chômage, contrairement à une démission. Le sujet a été mis sur la table lors des débats en commission par les députés LR, qui ont fait valoir que «le phénomène sembl[ait] aller croissant». Bien qu’aucune étude ne permette d’étayer ce sentiment, et malgré les critiques de l’opposition de gauche, qui a dénoncé une nouvelle attaque contre les salariés.

«Des salariés maltraités et sous-payés»

«Vous nous demandez d’acter que des salariés qui sont humiliés, maltraités, sous-payés, soient maintenus en poste de gré ou de force», a lancé Hadrien Clouet (LFI) durant les débats. «Le seul objectif de cette réforme est de faire des économies, a abondé ce mardi le député du Calvados Arthur Delaporte (Nupes). Le texte est une coquille vide qui donne les pleins pouvoirs au gouvernement pour réformer l’assurance chômage.»

Le gouvernement et la majorité présidentielle ont ainsi emboîté le pas de LR. Résultat : quatre amendements identiques ont été déposés (et adoptés) par LR, Renaissance, le Modem et Horizons. Ils prévoient que «le salarié qui a abandonné volontairement son poste et ne reprend pas le travail après avoir été mis en demeure […] est présumé démissionnaire.» Charge à lui, ensuite, de saisir les prud’hommes s’il souhaite contester cette présomption. L’amendement prévoit dans ce cas que son affaire «est directement portée devant le bureau de jugement», qui doit statuer «dans un délai d’un mois suivant sa saisine». Ce pas de deux avec la droite a eu le don d’agacer la gauche. «La douce musique de la nouvelle méthode s’est déjà éteinte, a regretté lors des explications de vote Marie-Charlotte Garin, députée (Nupes) du Rhône. Sans surprise, c’est avec la droite que vous êtes allés faire alliance.»

La gauche, elle, n’aura réussi à imposer qu’une seule disposition nouvelle. Le gouvernement et le rapporteur du texte, Marc Ferracci (Renaissance), ont soutenu un amendement du communiste Pierre Dharréville qui prévoit la remise, dans les douze mois, d’un rapport du gouvernement «portant sur le caractère conforme des offres d’emploi diffusées par Pôle emploi». Sujet crucial puisque, selon des études menées par la CGT, de très nombreuses offres proposées par Pôle emploi sont hors des clous légaux. Ce rapport sera sûrement scruté de près, tout comme l’a été le fameux rapport du ministère du Travail sur le non-recours à l’assurance chômage, d’abord bloqué par le gouvernement durant la compagne présidentielle, puis finalement transmis au Parlement fin septembre avec deux ans de retard sur le calendrier initialement prévu. Un rapport qui devait son existence à… un amendement du même Pierre Dharréville, inscrit dans la loi de 2018 «pour la liberté de choisir son avenir professionnel».