Il n’y aura pas de nouvelle réforme de l’assurance chômage, du moins pas tout de suite, et pas comme le gouvernement sortant l’envisageait. L’entourage de Gabriel Attal a annoncé, dimanche 30 juin au soir, dans la foulée des premiers résultats du premier tour des élections législatives, que le Premier ministre avait «décidé ce soir de suspendre la mise en œuvre de la réforme de l’assurance chômage, dont la parution du décret était prévue [lundi 1er juillet]». Une décision annoncée alors que la majorité sortante se retrouve en difficulté face au RN et au Nouveau Front populaire, les deux principales forces du scrutin, toutes deux opposées au projet. «Cette réforme pourra ainsi faire l’objet d’aménagements, de discussions entre forces républicaines. Il s’agit du premier acte de Gabriel Attal dans l’esprit des futures majorités de projets et d’idées qu’il a évoquées ce soir», précise Matignon. «Le gouvernement ne souhaite pas avancer sur le sujet sans en parler à la future Assemblée et aux parlementaires nouvellement élus», corrobore parallèlement un conseiller de l’exécutif auprès de Libération.
De fait, le décret qui concrétisait un nouveau tour de vis à l’encontre des demandeurs d’emploi a été remplacé au Journal officiel de ce lundi 1er juillet par un simple «décret de jointure» qui prolonge les règles d’indemnisation actuelles jusqu’au 31 juillet. Le prochain gouvernement, quel qu’il soit, devra donc trancher rapidement entre plusieurs options : prendre un nouveau décret de jointure pour les prolonger au-delà, publier son propre décret s’il souhaite tout de même modifier les règles ou redonner la main aux acteurs sociaux pour qu’ils renégocient. Compte tenu des délais entre le deuxième tour des législatives et l’échéance du 31 juillet, qui ne laissent pas assez de temps à une négociation paritaire et rendent quasiment inimaginable la rédaction d’un nouveau décret qui devrait être examiné par le Conseil d’Etat, le premier geste du nouvel exécutif devrait être de prolonger les règles au-delà du 31 juillet.
Une demande des syndicats finalement exaucée
En tout état de cause, la publication du décret originellement prévu aurait été la source de polémiques dans l’entre-deux-tours, même si le nouveau tour de vis ne devait concrètement s’appliquer qu’à compter du 1er décembre. Celui-ci prévoyait en effet un double calendrier. Dans l’immédiat et pour cinq mois, les règles actuellement en vigueur ne devaient pas bouger. Les nouvelles règles, elles, devaient être appliquées à compter la fin de l’année, le temps que France Travail les intègre dans son système. Elles prévoyaient notamment que huit mois de travail sur les vingt derniers soient nécessaires pour ouvrir des droits (contre six sur vingt-quatre actuellement), que la durée maximale d’indemnisation soit réduite à quinze mois (contre dix-huit), et qu’il faille désormais avoir 57 ans ou plus (contre 53 ans actuellement) pour bénéficier d’une indemnisation rallongée (plafonnée à 22,5 mois contre 27 actuellement).
Seule contrepartie proposée à ces reculs pour les salariés : un «senior» qui aurait repris un emploi moins bien rémunéré que le précédent devait se voir verser par l’assurance chômage un complément lui permettant de retrouver le même niveau de salaire, pour une durée d’un an. Cinq jours avant le premier tour, le Premier ministre, Gabriel Attal, avait par ailleurs assuré qu’en cas de victoire de la majorité sortante aux législatives, il souhaitait «généraliser» le système de bonus-malus mis en place en 2021 dans sept secteurs pour décourager l’abus de contrats courts.
Dans les tout premiers jours suivant la dissolution de l’Assemblée nationale, l’exécutif a d’abord semblé hésiter sur le sort à réserver à cette réforme, pas aussi impopulaire que celle des retraites l’année dernière, mais jugée néfaste, ou a minima inutile, par de nombreux économistes et plusieurs membres de la majorité. Le mercredi 12 juin, à l’occasion d’une conférence de presse, Emmanuel Macron évoquait de possibles discussions post-législatives sur les «modalités» d’application du projet, et semblait donc ouvert à son assouplissement. Mais dès le lendemain, Gabriel Attal, chargé de mener la campagne pour la majorité sortante, assurait sur France Inter qu’«un décret sera[it] pris d’ici au 1er juillet pour cette réforme». Le gouvernement arguait en effet que ce décret était nécessaire pour que les chômeurs puissent encore être indemnisés après le 1er juillet, date d’échéance des règles actuelles. Les syndicats, eux, défendaient l’idée d’un nouveau «décret de jointure» pour proroger ces règles, comme le gouvernement l’avait lui-même fait à la fin de l’année 2023. Demande finalement exaucée, avec l’aide d’une crise politique.