Dans le vacarme de ses métiers circulaires, Bruno Nahan décrit avec précision les tubes qui aspirent les fils venant tricoter les étoffes, les ventilateurs tournant à toute vitesse au-dessus des machines, les aiguilles qui agissent. Autour du PDG de l’entreprise textile Bugis, des ouvriers et techniciens déambulent calmement de métier en métier, dans l’odeur d’huile et de coton qui emplit les bâtiments de fabrication, à La Rivière-de-Corps, près de Troyes (Aube). Mais pour que ce ballet puisse s’enclencher jour et nuit, il faut un gros volume d’électricité. La facture est passée de 45 000 à 60 000 euros de 2021 à 2022. Et pour 2023, EDF vient de lui donner une première proposition : 200 000 euros. «On arrive à la croisée des chemins, soupire Bruno Nahan. Si la crise de l’énergie se poursuit, cela mettra un coup d’arrêt au made in France et à la relocalisation de l’industrie dans notre pays.»
En concurrence directe avec l’Asie, les modèles économiques de la filière du textile sont serrés depuis des décennies, avec des produits généralement de plus grande qualité mais vendus plus cher que le tout synthétique, les normes sociales et environnementales étant meilleures dans l’Hexagone. Des modèles fragilisés par une explosion des prix de l’électricité et du gaz, qui s’ajoute à de précédentes hausses. «La crise de l’énergie, ce n’est que le coup de tonnerre après deux ans d’augmentation des matières premières et des conséquences de l’inflation», explique le PDG