C’était l’une des mesures du budget alternatif du Parti socialiste. En proposant début septembre de baisser la contribution sociale généralisée (CSG), les roses voulaient gonfler «le pouvoir d’achat des travailleurs». Dans la Tribune, dimanche 12 octobre, Philippe Juvin (Les Républicains), s’est à son tour dit favorable à la diminution de ce prélèvement social affecté au financement de la Sécurité sociale. «Il faut que le salaire net augmente en France. Les socialistes plaident pour une baisse de la contribution sociale généralisée (CSG), je n’y suis pas hostile», déclarait-il, alors que le projet de budget (dont il est rapporteur général) doit être présenté, maintenant que le gouvernement Lecornu II est constitué, ce mardi en Conseil des ministres. Lors de la deuxième journée de grève intersyndicale contre un budget d’austérité, Sébastien Lecornu, alors Premier ministre démissionnaire, disait lui aussi étudier plusieurs pistes d’allègements en faveur des salariés.
Mettre à contribution les ultra-riches
Mais comment compenser la perte de recettes liées à une baisse de la CSG ? C’est là que les choses se corsent et que les avis divergent. Selon les calculs des socialistes, la diminution de ce prélèvement social doit s’accompagner de taxes sur les plus hauts revenus. Pour éviter de creuser davantage le déficit des comptes publics, le parti d’Olivier Faure préconisait de mettre à contribution «les grandes fortunes et les grandes entreprises». Sur les quelque 27 milliards d’euros de recettes anticipées par le PS, plus de la moitié (15 milliards) proviendrait de la mise en place de la fameuse taxe Zucman de 2 % sur les très gros patrimoines.
A noter que l’emballement des dépenses est mis en avant par l’exécutif pour justifier l’enfoncement de la dette publique, mais l’Observatoire des conjonctures économiques (OFCE) pointe, à l’inverse, un manque de recettes. «Nos marges de manœuvre sont plutôt sur les dépenses que sur les recettes», dans une France «championne du monde des impôts et des taxes», assure pour sa part Philippe Juvin, selon qui la baisse prévue des dépenses de l’Etat à hauteur de 6 milliards d’euros est insuffisante. Côté LR, la stratégie de compensation souhaitée est donc bien différente de celle du PS.
Rogner sur les fonctionnaires
Comme dans le budget d’austérité de Bayrou, les fonctionnaires pourraient être la première cible des Républicains qui veulent tailler dans les dépenses. Pour faire des économies, l’ex-locataire de Matignon annonçait vouloir supprimer 3 000 fonctionnaires sur le projet de loi de finances pour 2026. Dans sa proposition, à partir de 2027, un poste de fonctionnaire sur trois ne serait pas remplacé en cas de départ à la retraite.
Philippe Juvin veut aller encore plus loin. «Rien que pour l’Education nationale, compte tenu de la baisse de la natalité, je pense qu’il est possible de supprimer 50 000 postes d’ici à 2032», dit le député LR des Hauts-de-Seine dans la lignée de ses précédentes déclarations. Dans une tribune au Monde publiée fin septembre, il annonçait vouloir porter dans le cadre du projet de loi de finances pour 2026 un amendement visant à mettre en place un «nouveau mécanisme très puissamment incitatif» de départ volontaire pour les fonctionnaires d’Etat. Sa proposition consisterait à rémunérer à 70 % de leur salaire brut, les fonctionnaires qui souhaiteraient démissionner définitivement de la fonction publique, et ce pendant dix ans.
Mise en péril du système de protection sociale
Au-delà des leviers à activer pour compenser les pertes induites par une baisse de la CSG, les économistes sont divisés sur la pertinence de la mesure. Après que le PS a mis l’idée sur la table, l’OFCE soulignait ses avantages. «Une CSG plus équitable redonne du pouvoir d’achat aux revenus les plus modestes et relance l’économie», expliquait Xavier Timbeau, le directeur de l’OFCE, à Libération. Selon le PS, la baisse de la contribution pour les salaires compris entre 1 et 1,4 smic représenterait 900 euros de revenus supplémentaires nets sur un an pour un salarié dans cette tranche de revenus. «Ces ménages épargnent peu, donc 1 euro de pouvoir d’achat gagné, c’est 1 euro réinjecté en consommation.»
Plus frileuse, Anne-Laure Delatte, chercheuse en économie au CNRS, mettait en garde sur les conséquences à plus long terme de baisse de recettes pour les comptes publics. «Je ne vois pas trop la logique de baisser ce prélèvement obligatoire, avouait-elle. Car si par ailleurs vous ne pouvez plus financer la protection sociale ou que cela vous oblige à la dégrader, en fait, personne n’aura rien gagné.»
Si le projet de budget du gouvernement Lecornu II s’appuyait toujours une «année blanche» comme le prévoyait le projet de budget de François Bayrou, le barème de la CSG serait gelé en 2026. Mais, remise sur la table, l’idée d’une baisse de cet impôt pourrait faire l’objet de débats lors de l’examen du budget pour 2026 (s’il finit par être examiné) dans l’hémicycle, et qui sait, d’un consensus entre des forces politiques éclatées.