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Economie

Baisse du pouvoir d’achat des retraites complémentaires : les syndicats divisés

La CFDT et la CFTC se sont entendues, jeudi, avec le patronat pour tenter de ramener à l’équilibre le régime Agirc-Arrco des salariés du privé. Mais leur solution, consistant à revaloriser les pensions en dessous du taux d’inflation pendant deux ans, ne convainc pas les autres centrales syndicales.
Manifestation nationale des retraités vers le ministère des Finances, à Paris, le 31 janvier 2019. (Cyril Zannettacci/Libération)
publié le 23 juillet 2021 à 20h59

Les retraités du secteur privé pourraient bien subir une baisse de pouvoir d’achat. A l’issue d’une troisième et ultime rencontre express, deux syndicats, la CFDT et la CFTC, et le patronat, sont parvenus jeudi à faire émerger un accord visant à redresser la trajectoire financière du régime de retraite complémentaire des salariés du privé, l’Agirc-Arrco.

Ce dernier, prévoit, sous la forme d’un «avenant» à l’Accord national interprofessionnel (ANI) du 10 mai 2019, de donner au conseil d’administration de l’organisme paritaire en charge des retraites complémentaires la possibilité de sous-indexer les pensions jusqu’à 0,5 point en dessous de l’inflation. Et ce à deux reprises : lors de la revalorisation de novembre 2021, puis en novembre 2022 (contre un maximum de 0,2 point aujourd’hui).

Tout juste revenu dans le vert en 2019 après dix ans de déficit, l’organisme paritaire n’a pas été épargné par la crise sanitaire. Plombé par le recours massif à l’activité partielle, l’Agirc-Arrco a enregistré un déficit de 4,1 milliards d’euros, l’obligeant ainsi à puiser dans ses réserves. Or, la règle de conduite fixée en 2019 exige que le régime s’assure de toujours avoir l’équivalent d’au moins six mois de versement de pensions d’avance, pour les quinze ans à venir. Avec 62,6 milliards d’euros en caisse fin décembre, la marge est encore de neuf mois. Cependant la tendance déficitaire pourrait s’aggraver rapidement. Par ces négociations, le conseil d’administration a donc fait valoir son devoir d’alerte.

«Assumer le pilotage»

Avec cette nouvelle règle, dans l’hypothèse où l’inflation atteint les 1,4 %, comme les prévisions l’indiquent, les pensions pourraient donc n’augmenter que de 0,9 % en novembre prochain. Ainsi, «la sous-indexation, si celle-ci est mise en œuvre, représente un effort sur le pouvoir d’achat inférieur à trois euros par mois pour la pension moyenne», explique la CFDT, qui défend la mesure dans un communiqué de presse publié ce vendredi. Selon la centrale, cette dernière est «mesuré[e]» et «équilibré[e]» et prouve «la capacité des partenaires sociaux à assumer le pilotage du régime même dans les périodes difficiles, sans s’en remettre au gouvernement pour assurer la pérennité des retraites». Nul doute que la reprise en main du dossier de l’assurance chômage par l’exécutif, en 2019, après l’échec des négociations des partenaires sociaux, a laissé des traces.

Mais l’avis de la CFDT est loin d’être partagé par tous les syndicats. A commencer par la CGT et la CFE-CGC, déjà opposées à l’ANI de mai 2019, ainsi que FO qui avait pourtant signé ce dernier. Mais ne souscrit pas, aujourd’hui à sa réécriture. «Quand nous avons signé cet accord en 2019, l’article précisait que le pouvoir d’achat des retraités devait être maintenu au taux d’inflation pendant quinze ans», explique Michel Beaugas, négociateur pour FO qui portera un avis négatif à cet accord lundi, devant les instances de son syndicat.

Même de manière «minime», le représentant syndical s’oppose, comme ses camarades de la CGT et de la CFE-CGC, à faire payer cette crise aux retraités du secteur privé, réduisant ainsi le pouvoir d’achat d’une population qui a, elle aussi, subi les effets de la pandémie. «Depuis plus de dix ans, les efforts ont toujours été demandés aux retraités et cotisants pour retrouver l’équilibre, jamais aux entreprises», regrette Michel Beaugas. Il souligne, par ailleurs, que les entreprises ont été largement aidées depuis le début de la crise et seraient donc plus à même de répondre aux besoins de financement du régime que les salariés ou les retraités.

«Simulacre de négociation»

FO propose plutôt de réduire les exigences en matière de réserves, en les faisant passer de six à quatre mois sur quinze ans. La CGT, elle, suggère dans un communiqué publié ce vendredi, de mettre en place «une contribution patronale d’équilibre technique temporaire (CETT) en faveur de l’égalité femmes/hommes, afin d’accroître les ressources du régime». Le syndicat précise que «celle-ci permettrait d’améliorer notablement le résultat technique de plus de 4 milliards d’euros et de faire croître considérablement les réserves». Propositions balayées d’un revers de main par les organisations patronales, selon les deux syndicats. «Le Medef voulait faire vite», estime Michel Beaugas (FO).

Dans son communiqué, la CGT dénonce d’ailleurs l’absence de débats lors de négociations qui auraient été menées unilatéralement par le Medef : «L’avenir de 18,4 millions de cotisants et de 13,19 millions de retraités au régime complémentaire Agirc-Arrco a été décidé au pas de charge, dans un simulacre de négociation en pleine période estivale». Même discours de FO qui, regrette que les gestionnaires n’aient pas attendu de savoir «de quoi retournaient les discussions qui débuteront à la rentrée avec le gouvernement à propos des retraites pour mettre cette problématique sur la table, sans réelle urgence au vu des réserves solides dont dispose aujourd’hui l’Agirc-Arrco». Les partenaires sociaux ont jusqu’au 15 septembre pour signer, ou non, cet avenant.