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Libération
Ajourné

Banlieues : le Comité interministériel des villes une nouvelle fois reporté

Mort de Nahel, tué par un tir policier à Nanterredossier
Très attendue après les émeutes de la fin juin, la réunion interministérielle, qui devait avoir lieu lundi, est de nouveau reportée. Au grand dam des acteurs de la politique de la ville.
Dans le quartier Pablo-Picasso, à Nanterre, après une nuit d'émeutes suite à la mort de Nahel, le 29 juin 2023. (Marie Magnin/Divergence)
publié le 3 octobre 2023 à 14h12
(mis à jour le 4 octobre 2023 à 18h05)

«Désespérant.» Adjointe à Paris chargée de la politique de la ville, Anne-Claire Boux n’a pas d’autre mot pour commenter le nouveau report du Comité interministériel des villes (CIV). Très attendu après les émeutes de juin consécutives à la mort de Nahel M. à Nanterre, ce conseil des ministres dédié aux banlieues devait se tenir lundi 9 octobre à Chanteloup-les-Vignes (Yvelines). La Première ministre Elisabeth Borne en avait dévoilé la date début septembre, dans un discours devant les préfets. «Notre réponse doit être globale. Il y a des questions de sécurité et d’ordre public, bien sûr, mais plus largement de respect de l’autorité, d’intégration, d’éducation, de lutte contre la précarité et de mixité sociale», avait-elle dit, promettant «plusieurs mesures» en réponse aux émeutes les plus violentes que la France ait connues depuis 2005.

«Les services du Premier ministre m’ont appelée hier soir pour me prévenir qu’il était annulé, et reporté à la mi-novembre. La raison avancée, c’est que le gouvernement ne veut pas qu’il soit vécu comme un CIV post-émeutes alors qu’il y a déjà un Conseil national de la refondation jeudi consacré aux émeutes», explique Catherine Arenou, la maire divers droite de Chanteloup et vice-présidente de l’association Ville et Banlieue. CIV, CNR, c’est à n’y rien comprendre.

«Une perte de temps»

Du côté de Matignon, on confirme que «le CIV n’a pas lieu lundi». «On organise jeudi soir un CNR post-émeutes à Matignon sous l’égide de la Première ministre. Ce sera le lieu de réflexion autour de tous les chantiers ciblés par le président de la République cet été : parentalité, prévention de la délinquance, réseaux sociaux, etc.», explique-t-on. Parmi les ministres présents, Gérald Darmanin (Intérieur), Aurore Bergé (Solidarités et Familles), Jean-Noël Barrot (Transition numérique), Charlotte Caubel (Enfance) et, bien sûr, Sabrina Agresti-Roubache, la nouvelle secrétaire d’Etat à la Ville. «Il y aura des acteurs de la politique de la ville, des chercheurs, des pédopsys, des maires de communes touchées. On veut avoir un regard le plus objectif possible. Le CNR ne concerne pas que les quartiers prioritaires de la ville et le CIV abordera aussi d’autres sujets

Mais pourquoi multiplier les réunions ? Et est-ce encore le moment de tenir des concertations ? «Les habitants des quartiers populaires ont surtout besoin qu’on les aide à remplir leur frigo», s’insurge Anne-Claire Boux, membre elle aussi de Ville et Banlieue, qui fêtera cette année ses quarante ans d’existence. «On concerte depuis plus d’un an, à la fin c’est une perte de temps pour nous, les élus locaux», râle l’élue parisienne. «Le premier CIV était annoncé pour décembre 2022, puis février 2023, puis il devait s’en tenir un le 30 juin, mais à cause des émeutes il s’est transformé en réunion d’écoute des élus car après ces événements il fallait une ambition. Et il ne se passe toujours rien», se désole Anne-Claire Boux. «Le pire, c’est que le président de la République lui-même crée ces rendez-vous manqués», dit encore l’écologiste.

Politique illisible

Emmanuel Macron a tenté de donner une nouvelle impulsion à la politique de la ville pendant la campagne présidentielle, en lançant Quartiers 2030. Puis, dans la foulée des émeutes, une loi a été votée en urgence au Parlement visant à reconstruire au plus vite les bâtiments détruits ou endommagés. Mais entre annonces perlées, réunions repoussées et multiplication des formats (CIV, CNR, sans oublier le plan «Marseille en Grand»), cette politique déjà peu identifiée (elle est souvent confondue avec la rénovation urbaine) est devenue carrément illisible. Et si la nouvelle secrétaire d’Etat l’incarne davantage que son prédécesseur Olivier Klein, ses sorties maladroites – sur les expulsions des émeutiers des HLM ou la responsabilité des parents – ont fait lever plus d’un sourcil.

«En off, on nous explique que le Président voudrait avoir un propos fort avant la tenue de ce CIV, qu’il cherche une ville où prononcer un discours marquant comme celui des Mureaux» en octobre 2020, croit savoir un maire. Sauf qu’en juin, à Marseille, «on attendait déjà avec impatience la parole présidentielle et on a eu le droit à la généralisation des cités éducatives et à l’extension des horaires des collèges», soupire cet élu. «Il y a deux lignes en débat, explique de son côté une source ministérielle. Matignon estime que les consultations ont été assez poussées et que les conclusions sont en phase avec les propositions des parties prenantes. L’Elysée pense qu’il faut plus de temps pour peaufiner les dernières annonces et leurs arbitrages budgétaires.» Dans tous les cas, «certaines mesures n’étaient pas prêtes pour lundi et pourraient être annoncées plutôt en novembre». Parmi elles, la réforme très attendue du zonage des Quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV), qui détermine les aides et dispositifs auxquels ils ont droit. L’idée serait de lier le zonage à la carte scolaire, en cours de refonte. Se donnant pour objectif prioritaire «d’améliorer les chances de réussite scolaire des élèves les plus en difficulté», le Projet de loi de finances pour 2024 prévoit d’augmenter de 38 millions d’euros le budget de la Politique de la ville, pour le porter à 635 millions d’euros. C’est toujours ça de pris.

Mise à jour : mercredi à 18 heures avec la correction du montant de l’augmentation prévue pour le PLF 2024.