A l’approche du 10 septembre, difficile de savoir si la cocotte-minute de la colère sociale fera pschitt. «Ce sera une rentrée sociale explosive», assure avec aplomb Julien Troccaz, secrétaire fédéral SUD rail. Si malgré leurs réticences, d’autres organisations (CGT, CFE-CGC, FO) voient le mouvement qui s’oppose au plan budgétaire de Bayrou d’un bon œil, l’antenne SUD est pour l’instant la seule organisation à appeler clairement au blocage, après que les partis de gauche, dans le sillage de La France insoumise, ont formulé leur soutien. «On a fait une consultation démocratique dans nos antennes SUD rail, on appelle à une grève ferme dans le ferroviaire», dit-il.
Jean-Luc Mélenchon est même allé plus loin en appelant à la «grève générale». «Une grève ne se décrète pas depuis une tribune ou un meeting, c’est plus compliqué que ça», s’agace le cheminot pour qui cet appel du leader insoumis s’apparente carrément à du «mépris social». «Cet élan est une bonne chose pour la justice sociale, mais créer une grève, ça se discute avec les salariés, et ça prend du temps», temporise également Denis Gravouil, membre du bureau confédéral de la CGT, qui rappelle que ce n’est pas avec «un mouvement politique qu’on peut construire une grève efficacement». «Les réseaux LFI ne sont pas (contrairement aux syndicats) solidement ancrés dans les entreprises», insiste-t-il.
«Il y a tout et son contraire»
Vendredi matin, avant la prise de parole de Mélenchon, la secrétaire générale de la CGT Sophie Binet se montrait elle aussi prudente quant à la réussite d’un mouvement aussi spontané que celui annoncé le 10 septembre. «Les modes d’action sont flous», pointait-elle sur France Inter, disant son syndicat «très vigilant sur les tentatives de noyautage et d’instrumentalisation de l’extrême droite qui à certains endroits, essaie de développer des discours anti-syndicaux et de réorienter la colère» contre «les immigrés et étrangers».
Comme son homologue de la CGT, Frédéric Souillot, secrétaire général de Force ouvrière (FO) est sceptique sur les chances de succès. «Contrairement à SUD, nous n’appelons pas à rejoindre l’appel à tout bloquer le 10 septembre […] Il y a tout et son contraire dans les mots d’ordre. On a calculé qu’ils avaient accumulé sur leurs différentes plateformes à peine 60 000 likes quand notre pétition [de l’intersyndicale contre le budget Bayrou, ndlr] en est à 350 000 signatures», a-t-il déclaré dans la Tribune dimanche.
«Personne n’est dupe»
«Pour l’instant nous n’appelons pas à bloquer, nous attendrons les concertations en intersyndicale (CFDT, CGT, FO, CFE-CGC, CFTC, Unsa et Solidaires) prévue le 1er septembre», affirme dans la même lignée Stanislas Gaudon, président de la Fédération des services publics à la CFE-CGC, le syndicat des cadres. S’il voit l’appel lancé par Jean-Luc Mélenchon comme une «récupération politique», il reste hermétique : «Ce genre de stratégie a toujours existé, heureusement, ce n’est pas notre boussole». La CFDT, elle, devrait donner une première position ce mardi 26 août, jour de sa rentrée à la Bourse du Travail de Paris.
Moins que sur le 10 septembre, les partenaires sociaux misent donc sur d’autres mobilisations, à eux, d’ici la présentation du projet de loi de finances pour 2026. La ministre chargée du Travail Astrid Panosyan-Bouvet ouvre d’ailleurs, en parallèle, une série de consultations dès ce lundi 25 août, jour où François Bayrou pourrait préciser certaines de ses propositions faites le 15 juillet. Revenir sur la suppression annoncée de deux jours fériés ? «Ces deux jours, c’est l’arbre qui cache la forêt des suppressions de postes de fonctionnaires, de la réforme chômage ou encore de la précarisation des retraités», fait valoir Julien Troccaz de SUD rail, qui, comme l’ensemble des partenaires sociaux consultés par Libération, n’attend «pas d’avancée» de cette conférence de presse de rentrée. «Personne n’est dupe», enchaîne Stanislas Gaudon (CFE-CGC). «On connaît la stratégie de sortir plein de mesures pour en retirer une ou deux et calmer les esprits», dit également de son côté Denis Gravouil, à la CGT. Si l’appel au blocage mi-septembre fait du bruit, «cette date ne sera pas le seul rendez-vous de la rentrée, annonce-t-il. L’intersyndicale protestera contre cette politique d’austérité».