Boeing toujours dans l’ornière. Les salariés de l’avionneur américain dans la région de Seattle ont largement rejeté mercredi le dernier projet d’accord social proposé par la direction. La grève qui paralyse deux usines cruciales depuis mi-septembre est donc reconduite, a indiqué un syndicat. Près de deux tiers (64 %) des membres de la branche locale du syndicat des machinistes (IAM) se sont prononcés contre le projet, a communiqué IAM sur le réseau social X. La dernière offre de Boeing envisageait une hausse salariale de 35 % sur quatre ans mais sans rétablir le système de retraite supprimé en 2008 que réclamaient de nombreux salariés.
Quelque 33 000 ouvriers autour de Seattle, dans le nord-ouest des Etats-Unis, où Boeing est né en juillet 1916, sont en grève depuis le 13 septembre dans les deux principales usines du groupe, produisant le 737 (son avion le plus vendu), le 777, le 767 et plusieurs programmes militaires. Cette grève avait été votée à la suite du rejet d’un projet d’accord d’entreprise présenté le 8 septembre et jugé insuffisant. L’IAM réclamait une hausse salariale de 40 % pour rattraper le retard pris par les salaires par rapport à l’inflation de ces dernières années, ne permettant pas aux salariés, expliquent-ils, d’être en mesure de vivre correctement dans cette région parmi les plus chères des Etats-Unis.
Coup dur
Le prolongement de la grève est survenu après la publication mercredi par Boeing de sa pire perte trimestrielle en quatre ans, à 6,17 milliards de dollars, sur fond d’accidents et d’incidents à répétition touchant ses appareils. Selon un calcul de l’AFP, les pertes nettes de Boeing dépassent désormais les 31 milliards de dollars depuis début 2020. Sa plus importante perte trimestrielle, au quatrième trimestre 2020, a atteint 8,42 milliards.
«Après 10 années de sacrifices, nous avons encore des raisons de rattraper» ce retard, a déclaré Jon Holden, président de la branche locale IAM-District 751, disant espérer «reprendre les négociations rapidement». Cette décision est l’illustration de «la démocratie sur le lieu de travail, et aussi une preuve claire qu’il existe des conséquences lorsqu’une entreprise maltraite ses ouvriers année après année», a ajouté M. Holden.
Difficile de remonter la pente après les crashes de 2018 et 2019
Selon les dirigeants de l’entreprise, les conséquences sur les finances du groupe perdureront tout au long de 2025. «Ma mission est assez claire. Remettre ce grand navire dans la bonne direction et rétablir Boeing dans sa position de leader que nous connaissons et que nous souhaitons», a déclaré Kelly Ortberg, patron du constructeur aéronautique depuis début août, dans des commentaires accompagnant cette publication de résultats.
En septembre, Boeing a livré 33 avions, achevés avant la grève, mais les prochains mois devraient être frugaux. Outre l’insatisfaction des compagnies aériennes, contraintes de revoir leurs programmes de vols depuis 2023, moins de livraisons signifie également moins de recettes - environ 60 % du prix est payé à la livraison - et, par conséquent, une trésorerie chancelante. Le géant de l’aéronautique peinait déjà à récupérer après les crashes de 737 MAX 8 en 2018 et 2019, qui ont fait 346 morts, et la pandémie de Covid-19.
Boeing a annoncé ces dernières semaines des mesures pour préserver sa trésorerie, dont une réduction de 10 % de ses effectifs mondiaux (presque 171 000 employés fin 2023). «Nous sommes en sureffectif par rapport aux perspectives de notre entreprise», a expliqué M. Ortberg sur CNBC. Boeing a aussi obtenu une seconde ligne de crédit de dix milliards de dollars et compte lever jusqu’à 25 milliards, sur trois ans.
Il pourrait, de plus, céder des actifs non stratégiques. Selon M. Ortberg, un examen du portefeuille est en cours et il sera «probablement» opportun de le «rationaliser». «Notre cœur de métier, ce sont les avions commerciaux et les systèmes de défense […] mais il y a probablement des choses à la marge qui pourraient être plus efficaces ou qui nous distraient de notre objectif principal», a-t-il expliqué à des analystes financiers. La branche Défense, Espace et Services (BDS) est plutôt mal en point également, affectée par de lourdes pertes sur des contrats à prix fixes avec le gouvernement américain et avec l’agence spatiale américaine (Nasa).