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Libération
Droit dans ses bottes

Bruno Le Maire «circonspect» face à la suspension de la réforme de l’assurance chômage

Le ministre de l’Economie critique la suspension par le Premier ministre de la réforme qui devait être entérinée par un décret ce lundi. Les syndicats, eux, sont à la fois soulagés et suspicieux.
«Je ne vais pas changer de conviction en l’espace de 24 heures parce qu’il faudrait que j’arrive à convaincre untel ou untel» a affirmé Bruno Le Maire, le 1er juillet 2024. (Xose Bouzas/Hans Lucas.AFP)
publié le 1er juillet 2024 à 11h46
(mis à jour le 1er juillet 2024 à 16h06)

Il est «circonspect», Bruno Le Maire. Circonspect face à la décision du Premier ministre, Gabriel Attal, de suspendre la réforme de l’assurance chômage qui devait être entérinée par un décret ce lundi 1er juillet. Ce matin sur France Inter, le ministre de l’Economie a critiqué «les gages que l’on peut donner, les positions de circonstances, les accommodements, les calculs» qui ont conduit, comprend-on à travers son propos, Matignon à lâcher ce projet qui unit contre lui les deux grandes forces issues du premier tour des élections législatives, à savoir le RN et le Nouveau Front populaire (NFP). Et de répéter, comme il le fait depuis des mois, qu’«à modèle social constant, on ne peut pas arriver au plein-emploi», en ajoutant : «Je ne vais pas changer de conviction en l’espace de 24 heures parce qu’il faudrait que j’arrive à convaincre untel ou untel».

Pour l’heure, la décision de suspendre ce nouveau tour de vis – peut-être le plus dur en cinq ans de réformes du régime d’assurance chômage – est en tout cas saluée à la fois par le RN et le Parti socialiste. «J’en suis très heureux, c’est une victoire pour le peuple français», a réagi ce lundi matin sur franceinfo Jean-Philippe Tanguy, du bureau national du RN. Présent sur le plateau au même moment, Olivier Faure, le premier secrétaire du PS, s’est quant à lui dit «sensible au fait qu’il [Gabriel Attal] ait entendu que les Français étaient violemment opposés à cette réforme». Mais il a souligné qu’une des premières motivations de ce projet était de «séduire l’électorat de Monsieur Tanguy», «après des années pendant lesquelles l’extrême droite a expliqué que toutes celles et ceux qui aujourd’hui vivent difficilement, avec des revenus de solidarité, étaient dans l’assistanat». «J’espère surtout que c’est l’annonce d’un changement de pratiques», a observé sur France Bleu le député sortant des Landes Boris Vallaud (PS), pour qui il faut «reconsidérer la place des partenaires sociaux, des organisations syndicales, de la démocratie sociale dans le débat démocratique».

Des syndicats entre soulagement et suspicion

Du côté des syndicats, qui étaient unanimement opposés à ce projet de réforme, il y a certes de la satisfaction, comme celle de la CFDT exprimée ce lundi après-midi, la première organisation de salariés exprimant son «soulagement». Mais une autre forme de circonspection que celle de Bruno Le Maire transparaît également. Ainsi la CGT, par la voix de son secrétaire confédéral Denis Gravouil, déplore auprès de Libération que le gouvernement n’ait prolongé les règles actuelles que d’un mois, jusqu’au 31 juillet. Quelle que soit la future majorité issue des urnes, «un autre décret devra forcément être pris avant le 31 juillet», observe-t-il. Le président de la CFE-CGC, François Hommeril, juge l’abandon de la réforme «incohérent» après que le gouvernement a expliqué qu’elle était indispensable : «C’est horrible de voir à quel point le pouvoir est inféodé à ce qu’il croit être l’impact d’une mesure dans l’opinion.» Son homologue de la CFTC, Cyril Chabanier, craint quant à lui que la réforme de l’assurance chômage ne serve pour la majorité sortante de «monnaie d’échange» pour la constitution d’un «futur gouvernement d’union» ouvert vers la gauche de la macronie. «On joue avec cette réforme, et ça me dérange énormément», déclare-t-il.

Face à l’urgence qui va rapidement s’imposer, puisque la prochaine échéance est fixée au 31 juillet, FO rappelle «qu’une solution existe, et exige que soit agréé l’accord d’assurance chômage qui avait été négocié et signé par les interlocuteurs sociaux le 27 novembre 2023». Le gouvernement n’avait pas agréé cet accord, car il ne contenait pas les mesures attendues sur l’indemnisation des seniors (notamment le relèvement de l’âge d’entrée dans la «filière seniors» donnant droit à une indemnisation plus longue). Ce qui lui avait donné un prétexte pour élaborer sa nouvelle réforme, qui effaçait les maigres progrès obtenus par les syndicats en novembre.