C’est un modèle de contorsion argumentative, à l’appui d’une mesure qui promet d’enflammer les débats autour du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2025. Dans le dossier de presse consacré à ce texte, et diffusé à la presse ce jeudi 10 octobre, le gouvernement confirme que la revalorisation des pensions de retraite de base de près de 17 millions de retraités sera décalée de six mois en 2025, «du 1er janvier au 1er juillet», une mesure qui doit permettre d’économiser 4 milliards d’euros. Et l’explique ainsi : «Nous souhaitons préserver le pouvoir d’achat des retraités. Les pensions resteront ainsi bien indexées sur l’inflation en 2025 ; à la suite de fortes revalorisations depuis 2022 et dans un contexte de faible inflation.»
Si Bercy rappelle qu’il y a eu de «fortes revalorisations depuis 2022» – à titre d’exemple, + 5,3 % en 2024, pour près de 14 milliards d’euros –, il oublie opportunément de souligner que c’était du fait d’une inflation tout aussi forte (elle est depuis redescendue sous les 2 %), et parce que la loi impose que les pensions suivent cette hausse des prix en début d’année. Sauf, bien sûr, si l’on modifie la loi, comme cela est donc proposé dans ce PLFSS. Pour un retraité «qui bénéficie d’une pension de retraite de 1 500 euros», le manque à gagner «serait de 15 euros par mois pendant les six mois de janvier à juin», relativisait récemment le président du Conseil d’orientation des retraites, Gilbert Cette, sur France Info.
Barnier «ouvert» à des idées alternatives
Depuis que le gouvernement a fait part de son intention le 2 octobre, la mesure unit contre elle une très grande partie du spectre politique. Les oppositions de gauche («Cette annonce est scandaleuse», a réagi Manuel Bompard, le coordinateur de LFI) et d’extrême droite («Je refuserai cette mesure», a tweeté la cheffe de groupe du RN à l’Assemblée, Marine Le Pen) comptent bien sûr monter au créneau, mais au sein même des groupes politiques de la coalition gouvernementale (la Droite républicaine, menée par Laurent Wauquiez, et Ensemble pour la République, mené par Gabriel Attal), des voix s’élèvent contre cette mise à contribution d’un socle électoral devenu crucial.
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Les syndicats de salariés aussi dénoncent un choix qui risque de pénaliser les retraités aux pensions les plus faibles, alors même que la réforme de 2023 promettait de les soutenir. Par le passé, des gouvernements récents ont déjà modifié les règles d’indexation des retraites, mais parfois en opérant une revalorisation différenciée entre les pensionnés les mieux lotis et les moins bien lotis. Face aux critiques, le Premier ministre, Michel Barnier, assurait la semaine dernière être «ouvert», durant la discussion budgétaire, à «de nouvelles idées ou d’autres idées pour trouver d’autres moyens» permettant de dégager des économies similaires.
Le gouvernement compte par ailleurs dégager 2,3 milliards de recettes supplémentaires en augmentant de quatre points le taux de cotisation des employeurs dans les fonctions publiques territoriale et hospitalière. En raison notamment d’un déséquilibre démographique, la CNRACL, la caisse de retraite de ces deux versants de la fonction publique pourrait en effet être déficitaire de 10 milliards d’euros à horizon 2030.